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La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
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lettre de Madame de Souza à la comtesse d'Albany
Paris, le 14 décembre 1812
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J'ai été bien malheureuse
depuis les lettres du 12, c'est-à-dire depuis
un mois, ma très excellente amie ; je n'avais plus eu un mot
de Charles. Enfin, hier, il est arrivé à ma voisinne une
lettre de son prochain, du 27, qui dit : "Charles se porte bien"
; j'ai un peu respiré, et aussitôt je vous (Ai effacé) écrit. Que je souffre en pensant au froid qu'il doit éprouver
; nous avons un hiver qui commence dune manière terrible. La
rivière est prise, le froid est accompagné de vent, et
tout cela est du printems en comparaison de cette indigne Russie, pays
abandonné de Dieu et du soleil. Je n'ai pas encore de lettres
de Charles, mais enfin il se portoit bien le 27. Que de grâces
à rendre à Dieu, car enfin ses rhumatismes pouvoient le
prendre, et que seroit-il devenu dans ce mouvement latéral, où
il ne s'agit d'espérer feu ni lieu ! Qu'il souffre, ma bonne
amie, et que je souffre pour lui]
Votre petite est mariée,
et il faut rendre justice à la dame du lundi : (Est-ce
la reine Hortense ?) elle s'est conduite noblement et très
bien. Du reste, les mariés lui feront voir le mariage en beau,
ce qui étoit difficile. Ils sont heureux, amoureux. je l'ai vu
une fois cette petite. J'ai ensuite été la chercher sans
la trouver ; j'y retournerai. Mme votre soeur m'a paru contente de la
petite et disposée à l'obliger. Que pourra-t-elle faire
pour elle ? je l'ignore. On dit les places prises et l'herbe courte,
dans le pays où elle est. (La Malmaison) J'ai flatté
Mme votre soeur de vous revoir au printems : je le désire vivement,
je l'espère. Ma très chère, la vie s'use comme
cela et j'ai tant souffert depuis cette campagne que j'ai acquis vingt
années en six mois. [Croiriés-vous que je n'ai pas encore
été au Sallon ? Je ne sors pas de mon fauteuil : j'y rêve
et je gémis, je vois un désert de neige ; je calcule tous
les meaux qui ne peuvent arriver, et je me couche sans avoir pu respirer.
Si vous étiés ici, j'aurais quelques momens de consolation.
Mais vous êtes si loin que je ne puis même pas espérer
vous revoir si je succombois à tant de peines.]
Adieu ma bonne, ma chère
amie. Dites-vous bien, même quand je ne vous écris pas,
que vous êtes tendrement aimée par votre Adèle,
dont le coeur souffre bien plus que vous ne pouvés l'imaginner,
puisqu'elle ne saurait elle-même l'exprimer.
[Ma chère,
ma très chère, où est-il à l'heure que je
vous parle, et où je vous écris grelottant auprès
de mon feu ? Il faut tout le génie et toute la puissance de l'empereur
pour les ramener à bon port.] Mille et mille complimens à M Fabre.
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
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