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La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
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lettre de Madame de Souza
à la comtesse d'Albany
Paris, le 19 mai 1812
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[Point de vos nouvelles, ma chère
amie, Mme votre soeur dit que vous êtes en route ; mais je ne
m'en flatte pas. Cependant, elle prétend que votre retour est
absolument nécessaire ? Entendez-vous, ma très
chère, ce mot nécessaire ? Je ne l'ai jamais aimé,
et entre nécessaire et impossible,
je donnerois le choix pour une épingle, tant je hais tout ce
qui me commande, sauf dans ce moment où je le trouve charmant
s'il vous ramène, et si vous ne vous alléguez aucune impossibilité.]
[J'avoue cependant que tout ce
qui sent la contrainte me déplairoit fort à votre place
; mais, mon excellente amie, pensés au plaisir extrême
que j'aurai à vous revoir, pensés aussi combien je suis
seule et malheureuse ; mon fils est parti, (Pour prendre part comme
aide de camp de l'empereur à la campagne de la grande armée)
et Dieu sait quand il reviendra ! Mettés donc un peu hors de votre tête
ce mot nécessaire, et revenés-nous comme si vous voyagiez
de votre pleine estoc, et que vous fissiés une course de plaisir.
D'ailleurs, il me faut mes étrennes, vous me les avés
promises, je veux votre portrait ; je veux, dans mes rêvasseries,
regarder cette excellente figure où règne tant de douceur
et de bonté.]
Je vous dirai que Madame votre
soeur me traite avec une bienveillance particulière, et que je
vous en porte toute la reconnoissance. Votre jolie nièce est
désolée du départ de son mari ; (Le comte
de Lobau) elle est allée à Bruxelles passer ce
tems de printemps près de son père.
L'autre court les champs avec son
mari qui est allé former le premier banc (sic).
Bertrand ayant été
renvoyé de la maison, M de Talleyrand lui a donné un appartement
chez lui ; c'est au second ; cependant ce second est à 80 marches,
mais il devient assés infirme pour que le séjour dans
une bonne maison où l'hiver il verra du monde sans sortir lui
soit un vrai bonheur.
Papa est plus triste que jamais,
et cependant il pourroit être tranquille : sa belle-fille est
grosse, et son fils a des travaux qui doivent rassurer sur sa santé.
Je suis loin du même bonheur et [me voilà pour six mois
dans les transes continuelles. Ah ! si vous étiés près
de moi, je vous parlerais de mes peines, et vous me répondriés
par de la raison et de l'espérance ; à moi toute seule
je ne trouves que des inquiétudes.]
[Comment se porte M Fabre ? Je
le prie d'aimer Paris qui cependant est une vraie solitude dans ce moment,
et d'y revenir avec la moitié autant de plaisir que j'aurai à
lui donner encore ces petits dîners qu'il paroissoit aimer malgré leur exiguité. Voilà un mot, je crois, de
ma façon.]
Vous ne retrouverés plus
Mme de Chatillon (Cette amie de Mme d'Albany n'est nommée
qu'une autre fois dans une lettre de Mme de Souza, comme ayant reçu
la gravure du mausolée d'Alfieri.), ma très chère,
et en vérité c'est un bonheur pour elle, car elle était
destinée à cruellement souffrir. Cependant, je suis sûre
que cela vous aura fait de la peine.
La reine de Naples m'a demandé
si l'archevêque de Tarente vous avoit donné un petit souvenir
de son muséum ; qu'elle lui avoit fait dire de vous offrir un
vase antique. J'ai répondu par tout ce que vous m'aviés
écrit de gracieux sur elle et sur ce muséum, mais j'ai
dit que je croyois que vous n'aviés emporté qu'un souvenir
idéal, car sûrement vous m'auriés mandé si
vous en aviés reçu un autre. Elle m'a dit en être
très fâchée.
[Adieu ma bonne, ma chère
amie, revenés-nous le plutôt possible, et quand je pense
que ce sera pour rester toujours, mon coeur en saute de joie. Revenés-nous,
voilà le mois de may, vous ne pouvés plus tarder sans
manquer à toutes vos paroles, et vous n'en êtes pas capable.
Je vous aime, je vous embrasse de tout, tout mon coeur.], ma bien chère
amie. Mme Victorrine de Chastenay épouse le ma[réch]al
Kelermanne voilà toutes nos nouvelles.
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
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