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La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
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lettre de Madame de Souza à la comtesse d'Albany
Paris, le 10 juin 1823
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Ecoutés-moi,
ma très bonne amie, je vous donne ma parole d'honneur, ma foi
d'ancienne et véritable amitié, que je n'ai reçu
qu'une seule lettre de vous, depuis votre départ, et le petit
mot que votre Hélène m'a apportée. Pendant que
vous m'accusiez, je vous boudois, je m'affligeois et m'écriois
: "O mes amis, il n'y a plus d'amis !"
Je ne sais qui
s'est amusé à garder vos lettres, mais si celle-ci lui
passe par les mains, qu'il sache qu'il m'a fait une vraie peine, et
que je lui permets de lire toutes les lettres qui me sont adressées,
mais que je le supplie de ne point les jetter au feu après.
[Je suis charmée
que mes petits romans figurent dans votre vieille bibliothèque,
il me semble que votre libraire a été bien longtemps à vous les envoyer.]
Nous venons de
passer par un assaut terrible. Le fils de M de Souza (Le comte
de Villaréal) s'était joint à M d'Amarante (Le comte d'Amarante, chef du parti absolutiste, souleva le Traz-os-montes
contre la Constitution de 1820, dont personne ne se souciait. Les absolutistes
donnant la victoire, les dispense de recourir à la guerre civile.) et jusqu'à ce que ce parti l'ait emporté, vous
devez juger les angoisses que nous avons eues ; mon mari ne vivoit pas,
et il s'affaiblissoit à vue d'oeil. Enfin, le voilà hors
de peine : son fils est réintégré dans sa place
de ministre à Londres.
Votre Hélène
est charmante, gaie, naturelle ; enfin elle me convient tout à fait. Je n'ai pas encore vu son mari. Est-il aussi aimable ?
[Je félicite
bien M Fabre des belles acquisitions qu'il a faites, et je l'envie.
Son Raphaël surtout me va au coeur. Que je voudrois qu'il me tombât
du ciel assés de fortune pour aller vous voir d'abord, et puis
aller glâner après lui, dans cette belle et riche Italie.]
[On dit que Rome
est le pays de la terre où l'on est le plus tranquille ; que
chacun y prie Dieu dans sa croyance, (Cf. dans une des lettres
suivantes de Mme d'Esmangard, ce qu'elle dit des mesures vexatoires
prises contre les Juifs.), et que votre ami, le cardinal G...
(Consalvi) et son souverain le Saint-Père (Pie
VII, alors âgé de plus de quatre-vingts ans.) entendent
vraiment la liberté civile et religieuse. Tous les Anglais qui
repassent par ici les portent aux nues, ainsi que votre grand-duc. Florence,
Rome, voilà la terre promise au milieu de cette belle Italie,
que le ciel et les arts devroient rendre si brillante et si heureuse.]
[Donnez-moi de
vos nouvelles, ma très chère amie.] Parlez-moi avec détails
de votre santé ; ce petit accident que Moreau appele un catharre
continue-t-il ? [L'été lui sera favorable, à ce
que j'espère. Je suis charmée que M Fabre soit guéri
de la goute, et qu'il ait recommencé à travailler. C'est
un grand plaisir, et nous jouirons de ses ouvrages.]
Et vous, ma très
chère amie, [passez-vous toujours votre tems à lire ?
Moi, j'ai un roman dans la tête, mais pendant la saison des roses,
je ne suis occupée que de mon jardin et cette occupation est
une niaiserie, une muserie, une perte de temps dont je devrois être
honteuse, si on pouvait l'être de ces petits bonheurs si simples,
et dont on jouit s'en (sic) presque s'en apercevoir. Je
vous embrasse. Je vous aime de tout mon coeur, et il en sera de même
jusqu'à mon dernier jour. Félicité se porte bien.
Ecrivez-moi, et parlez-moi avec détails de votre santé.
Voilà ce qui m'intéresse vraiment. Quant à vos
injustes reproches, je les aime mieux que du silence ; mais je ne les
mérite pas, ma bonne et chère amie. Souvenez-vous de moi,
et dites mon Adèle comme vous dites mon Hélène.
J'ai un droit d'ainesse que je ne lui cède point.] Mille complimens
à M Fabre.
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
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