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La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
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lettre de Madame de Souza à la comtesse d'Albany
le 16 janvier 1823
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Et voilà comme on juge ! Peu de personnes vous sont nécessaires,
me dites-vous. Pas un mot de cela : c'est parce que je vous aime, et
de tout mon coeur, que je ne vous ai pas écrit. Je me suis avisée
d'être jalouse, ma très chère amie, de me formaliser,
de me dire que vous ne m'aimiez pas du tout : et alors, avec cette suscebtibilié
(sic) que vous me connoissés et qui me fait tant
de mal, je me suis refoncée (sis) dans mon grand
fauteuil, je me suis dit : "Elle ne m'aime que lorsqu'elle me voit,
et encore !" Enfin, en partant, je vous avois supplié de
m'écrire un petit mot, un seul mot, comment vous vous trouviés
de votre route : vous l'aviez promis, - et voilà que vous écrivés
sans cesse à Félicité, et à pauvre moi pas
un seul petit mot. Alors j'ai ruminé tout cela, je me suis dit
: "Elle ne se soucie guère de moi, restons dans mon coin
!", mais j'en sors avec bonheur parce que voilà un mot de
reproche ! Car, ma chère amie, tenez vous pour certaine que bien
peu vous aiment autant que je le fais, et du fond de mon coeur ; cela
depuis que je vous connais. Je le dispute même à Félicité,
[qui vous aime cependant de tout son coeur aussi, je lui rends cette
justice.] (addition)
Je suis bien fâchée
que M Fabre aie toujours la goute : dites-le lui bien de ma part. [Oh
! ma chère amie, quel triste monde ! les maladies, les afflictions
personnelles vont toujours leur train, et les grandes calamités
publiques ne sont que par-dessus le marché. Moi, qui depuis trente
ans vis dans les révolutions, qui ai souffert de chacune (La
Révolution avait guillotiné son premier mari, l'Empereur
destitué son second mari, la
Restauration exilé son fils.), je n'en ai pas moins mal au côté
: peut-être même j'en souffre davantage. Enfin laissons
cela, et venons au roman. Il n'y a que les fictions et le travail qui
font passer le temps.
Jamais je ne vous
ai dit, ou n'ai cru vous dire, que l'histoire de Madame de Fargy (La
comtesse de Fargy est un des bons romans de Mme de Souza : il retrace
la vie de couvent avec vérité, mais il manque d'invention.) était la mienne, si ce n'est comme on dit ma tragédie, ma comédie, enfin ma,
pour toutes choses qu'on fait dans le moment. Le fait de Madame de Fargy
est vrai ; cette mère (Addition. Il y avait d'abord : elle) ne trouva que ce moyen de tirer son fils de la chambre du père,
et il est si connu qu'il est même cité dans un journal
de médecine que notre petit Moreau m'a apporté. Au surplus,
je ne vous l'ai pas envoyé un mois avant que personne ne l'eût,
parce que, dès qu'il a été imprimé, Eymery
l'a mis en vente du jour au lendemain et sans m'en prévenir.
Alors, n'ayant plus la bonne grâce de vous l'offrir avant tout
le monde, j'ai eu la belle imagination de vous adresser les six volumes
à la fois (Les oeuvres complètes de Mme de Souza
parurent en 1821-1822, revues et corrigées par elle-même,
en 6 vol, in-8° ou 12 in-12.) : car j'ai corrigé
tous ces petits romans, j'ai ajouté des lettres, j'ai retranché
des phrases ; je me suis donnée une peine incroyable, et ces
six volumes seront remis à M votre libraire, lundi prochain,
parce que j'attends le dernier. Si pendant la goutte de M Fabre, il
veut les lire pour s'endormir, les romans produisent souvent cet effet-là.
Ecrivés-moi
donc quelquefois, ma chère amie ! Croyez, soyez bien sûre
que je vous ai toujours bien véritablement aimée, et qu'il
en sera de même jusqu'à mon dernier jour. Qui connoît
mieux que moi toute votre bonté, tout votre excellent coeur ?
Voilà qui est fini : je moriginerai ma suseptibilité,
je ne croirai plus que vous m'oubliez. Ma bonne et chère amie,
j'ai éprouvé tant d'indifférence de ceux à
qui j'avais donné toute mon amitié, que cela m'a fait
bien du mal]. Bertrand, par exemple, m'a laissé une défiance
de moi-même et des autres qui me rend bien malheureuse. [Pardonnez-moi,
aimez-moi, et soyez sûre que vous n'avez pas d'amie plus attachée
qu'
ADELE.
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
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