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La Comtesse d'Albany
Lettres inédites de Madame
de Souza (et d'autres...)
(Le Portefeuille de la comtesse d'Albany : 1806-1824,
par Léon-G. Pélissier)
avec l'autorisation de
Les annotations
(en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les
passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier
; "Néné" est le surnom que Mme de
Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils
; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits
en rouge ; l'orthographe ancienne est respectée.
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lettre de Madame de Souza
à la comtesse d'Albany
le 10 décembre 1815
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Comme il y a longtems
que je n'ai eu de vos nouvelles, ma très chère amie !
Vous ne m'avez même pas répondu sur ces desseins (Il
doit y avoir quelque lettre perdue ou égarée dans cette
correspondance, car il n'a pas été question antérieurement
de ces dessins achetés à Girodet, et la date de l'accident
de Morellet permet de dater positivement cette lettre de 1815.) pour les quels je vous priois de consulter M Fabre. Mon mari y met cependant
le plus grand intérêt, et tous les jours il me demande
ce qu'il en dit, car je crois que M Girodet a un peu abusé pour
les prix ; mais ceci soit dit entre nous.
J'ai été
souffrante, depuis que je ne vous ai écrit, d'un rhumatisme dans
la tête. C'est bien douloureux, mais point dangereux. [Ce qui
nous occupe à Paris c'est l'accident de ce pauvre abbé Morrellet. (Morellet, né en 1787, survécut trois
ans à sa chute et mourut seulement le 12 janvier 1819, mais il
avait dû se condamner à une réclusion absolue.) C'est bien la peine d'arriver à 88 ans pour être
emporté par des chevaux de fiacre. Ce malheureux abbé
venoit de monter dans la voiture ; ses nièces s'apprétoient
à le suivre, lorsque les chevaux prirent le mords aux dents et
passèrent par-dessus une borne. La voiture fut renversée,
mais comme la portière étoit restée ouverte, l'abbé
tomba en dehors et eut la voiture sur lui. On le retira de là
le fémur cassé, ce dont il ne se doute pas. Il ne croit
avoir que des contusions. Dubois (Le célèbre chirurgien) dit qu'il est impossible de lui remettre la cuisse ; ainsi le
voilà dans son lit pour trois mois, et, s'il en relève
jamais, ne pouvant plus marcher qu'avec des béquilles.
Du reste il a conservé
toute sa tête pendant et depuis l'évennement. Vous voyés
qu'il auroit peut-être été jusqu'à cent ans,
ayant autant de force. Je l'ai vu. Il est aussi tranquille que si on
l'avait mis dans ce lit pour dormire paisiblement.]
Vous verrés
aujourd'hui dans la gazette que l'on a fait une pieuse cérémonie
ou auto da fé de toutes les oeuvres des Cortès (Dès le 4 mai 1814, Ferdinand VII avait annulé la
constitution et les décrets des Corty ; le 13 avril 1815 eut
lieu la célèbre visite du roi au Saint-Office.) : et que l'inquisition a fait faire plusieurs arrestations. Ferdinand
VII ne me paraît pas avoir beaucoup lu la bibliothèque
de Valencé. Notre Roi est bien plus sage, et sa bonté
et sa raison doivent gémirent (sic) de ces étranges
cérémonies.
M Fabre, savés-vous
ce qui occupe le plus mon fils ? Il dessinne et vraiment fait des choses
étonnantes pour un commençant, c'est-à-dire : il
copie très bien et avec une patience dont je ne l'aurois pas
cru capable. Comment va votre goute par cet hiver si humide
? Pour moi je suis en rhumatisme des pieds à la tête. J'espère
que nous nous verrons au printems, et je n'ai pas besoin de vous dire
combien j'aurai du plaisir à vous donner ces petits dîners.
Et vous, ma très chère, écrivés-moi donc.
Répondés-moi sur ces desseins et dites-vous bien que je
vous aime de tout, tout mon coeur.
[La casa vous offre
mille hommages.] papa et Néné à la tête.
[Le portefeuille de Mme d'Albany]
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