Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
14 avril 1823

Nous sommes en pleine lune rousse mon cher enfant, et quoique les illustres disent que c'est un préjugé populaire, une idée de vieille femme, que cette lune n'est pas plus mauvaise qu'une autre, comme chaque année elle m'a fait un mal horrible au côté. Je ne l'appellerai pas moins lune rousse jusqu'à ma dernière heure, et je suis persuadée que les nègres la nomment la lune blanche.
Nous ne savons que des choses vagues de loin, de Londres, de Guerreiro , écrit à papa ; qu'il est entré en Galice par delà retourner à Lisbonne. La comtesse d'Alva soeur de Thérèse écrit de Lisbonne le 20, il aura l'honneur d'avoir contribué à délivrer son pays de l'horrible faction qui nous gouverne depuis deux ans ; cependant il ne faut pas qu'il soit très compromis car on ne parle pas de lui, et toute la fureur de nos Cortès s'est portée seulement contre le comte d'Amarenté. Nous avons reçu cette lettre hier au soir, papa tremble de savoir son fils en Espagne dans ce moment ; enfin tout nous effraye, mais ce que je vois très bien, par toutes les lettres, c'est qu'on ne sait où est Louis ; et ce qui est encore plus clair, c'est qu'il y a une grande majorité contre les Cortès, mais que personne n'est d'accord sur ce qui doit y succéder, et comme les Cortès forment un corps qui a force active, je crains beaucoup pour tous ceux qui s'agitent contre eux. Le Roi regarde par la fenêtre de quel côté portera cette fusée ; mais voilà assez de politique.
Papa est moins triste. J'ai été bien fâchée de ne pouvoir lui montrer votre lettre d'hier qui était excellente, mais comme jamais il n'a laissé échapper de son coeur qu'il se reproche d'avoir conseillé à Louis de rester dans ses terres, il ne faut point répondre si directement que tu le fais à cette idée qui cependant le tourmente cruellement. La comtesse d'Alva dit encore que Rego étant à Villareal, a laissé fort tranquille Thérèse à Maltheus (?) qui est aussi près que ma maison l'est des Champs Elysées ; la lettre de Thérèse à sa soeur est du 12. En tout, cette situation de Louis est incompréhensible, et Thérèse ne parlant qu'à mots couverts, nous sommes dans les ténèbres.
Je vous embrasse, mes chers enfants de tout mon coeur. Avez-vous reçu bien des lettres de moi adressées à Edinburgh. Réclamez-les, car vous ne m'en dites pas un mot. Auguste est à merveille. J'aimerais bien à me trouver avec vous tous, et pauvre Louis à Meiklour, mais nous sommes trop vieux pour nous déplacer, nous souffrirons et mourrons là où nous sommes. Je n'en remercie pas moins Marguerite et vous de l'avoir désiré.

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dernière modification : 26 décembre 2019
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