Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
11 juin 1818

Voilà deux courriers sans un mot de toi mon cher enfant, cela m'afflige bien, je t'assure. J'attends toujours ta réponse sur l'alcôve et je te prie instamment de m'écrire positivement : trois semaines à l'avance, j'arriverai tel jour, pour que tou soit prêt. Nous avons ici une chaleur digne du Brésil, j'aime assez ce temps là mais il fait mal surtout aux enfants qui sont tous avec des boutons. Ma pauvre Nonore et ses six enfants sont bien malheureux ; trois sont placés dans des écoles et elle emmène les trois petits avec elle pour s'enfermer dans la prison de son mari. C'est un beau dévouement car elle y sera prisonnière comme lui, et on ne lui a permis l'entrée de cette prison qu'à cette condition qu'elle a acceptée.
La duchesse de Bedford te prie de l'attendre en Ecosse car elle doit être à la fin d'août et où elle sera charmée de vous aller faire une visite monsieur et madame ; elle est venue en 29 heures de Calais ici, je ne voyage pas comme cela.
Cette pauvre Mme Bregi Girardin est morte.
Il n'y a qu'un cri contre le mariage du duc de Guiche, je crois que sa soeur en sera furieuse.
Hier, Mme d'Osmont a fait une fausse couche où elle a été très mal, et l'on prétend que c'est fort heureux car elle n'aurait pu avoir un enfant à terme sans mourir. Il y a chez elle un travers qui explique cela.
J'ai donné hier un dîner à M. Charles Fox qui est devenu un superbe jeune homme et a un colonel d'Alton, écuyer du duc de Glouster, il m'a parlé de ma fille avec la plus grande admiration comme font tous ceux qui me parlent d'elle.
Son esprit est si admiré que je ne serai plus dans la maison qu'un petit auteur d'Almanach ainsi que je le suis déjà vis-à-vis de l'éditeur du Camoëns. Mais enfin je vous aimerai et vous soignerai et vous regarderai, et je serai heureuse ; que de fois je n'ambitionnais que le bonheur de te voir passer pendant cette longue absence.

Je n'ai encore rien de préparé dans la maison parce que dans ta dernière lettre tu m'annonçais que ton voyage n'aurait lieu qu'à la fin de septembre. Ecris-moi donc positivement quand tu arriveras et si les observations de détails sur l'alcôve, tu les approuves . Alors on commencera. Apporte des draps car c'est ce qui manquera et des serviettes. Le reste tu seras à souhait et puis le maître des ... et des choses. Oh ! ma fille, vous verrez comme je gâte votre mari.
Carbonnel se frotte les mains en pensant que tu vas arriver.
Je vais à ma fille. Je remets à M. Fox la robe que Nonore vous a brodée. Il faudra que Mme Frederik y mette une très légère eau d'empoix avant de la faire. Nous ne l'avons pas mise ici afin qu'elle put se ployer dans une lettre, et que l'eau soit froide car chaude elle enlèverait la couleur. Ma chère fille, de grâce prenez des bains de mer cela seul peut vous faire du bien. Mon Dieu que je serai heureuse de vous voir, de vous prier de m'aimer. Et comme je remercierai Dieu et vous, si en me quittant vous me dites que vous croyez avoir trouvé en moi une vraie mère.
Je vous aime mes chers enfants de toute mon âme, et je vous quitte parce qu'il fait si chaud qu'on ne peut respirer, ni écrire.
Palmella est toujours souffrant, tousse toujours, mais ce qu'on appelle la maladie est finie.
Adieu encore mes bons amis, mes enfants, je vais me baigner. Si vous étiez moins dédaigneux des petits plaisirs, je vous dirais que j'avais deux nids de fauvettes dans deux rosiers, que c'était charmant, que le père et la mère s'étaient accoutumés à me voir, et qu'un maudit chat les a mangés cette nuit, tu aurais pu entendre les "hélas !" de Sally d'où tu es. Moi, j'étais consternée. Mes bons amis, mes chers enfants, je vous aime de toute mon âme.

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dernière modification : 26 décembre 2019
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