Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
7 mars 1816

Papa me charge de te dire qu'il te bénit tous les jours pour l'édition du Camoëns de lord H. Cette seconde ... n'est pas infolio, mais du même format que la première ; ils appellent cela inquarto ; car à commencer par leur monnaie , les Portugais mettent de grands noms à toute chose .
Je n'ai rien à te mander aujourd'hui. Si l'on parlait vrai au Roi, il jugerait l'état de l'opinion, car hier on a donné une nouvelle pièce nommée" la comédienne" . Il y a un noble de province qui ne veut point que son neveu épouse une petite fille de comédien. Le neveu défend l'état et dit : Baron était l'ami de Baillères (?) , R. l'ami de Ciceron ? - Oh ! s'écrie l'oncle, Ciceron n'était pas gentilhomme . Cela a été applaudi à trois reprises, avec fureur, avec rage .
J'attends ton ami avec impatience. La manière dont on te traite en Albion ajoute beaucoup à l'estime que l'on fait de toi ici. Plus je vois et plus je suis aise que tu aies fait ce voyage, va toujours droit ton chemin, n'abandonne jamais le passé, ne te ferme inutilement aucun avenir par d'inutiles déclamations ou déclarations : reste tout entier ce que tu es, et dans la suite, le gouvernement de France sera fort content d'avoir des gens comme toi. Qui sait si tu ne pourras pas être utile un jour à Henriette. Nous ne pouvons pas ... longtemps loin de cette bonne France ! J'ai des raisons pour t'écrire cela, Vincent te les mandera par la première occasion.
J'ai vu hier la jeune soeur de la belle-soeur qui était avec nous aux eaux. Nous nous sommes rencontrées, cela a été de part et d'autre un cri de joie. Elle m'a chargé de mille souvenirs pleins d'intérêt, de franche amitié pour toi. Sa soeur est toujours tranquille ici et très contente des procédés que l'on a pour elle !
Je suis bien inquiète de ton vase. Tu devrais l'avoir. Je te chercherai une tasse, mais le joli genre que tu désires se trouve fort difficilement. J'ai été très aise qu'on ait trouvé le voile beau. As-tu été voir M. d'Osmont, cela était de politesse rigoureuse à son arrivée .
Adieu, cher ami, je t'aime avec une tendresse que je ne puis t'exprimer.
L'affaire du mari de Nonore va bien. M. de Cases (?) m'a dit que tu allais te marier , je ne puis trop me louer de lui.
Je t'aime, et la famille t'aime mille fois plus que je ne puis te le dire. Adieu, cher enfant, ne laisse point passer un jour de poste sans m'écrire , ne fusse qu'une ligne, je suis trop triste... quand il faut me transporter tout de suite d'une poste à l'autre pour attendre de tes nouvelles. Les jours entre les deux courriers me pèsent si fort qu'ils me semblent de vrais cauchemars. Je ne haïrais pas ma petite fièvre qui m'assoupirait dans les intervalles, cela m'occuperait ; car pour du bonheur ou même des distractions loin de toi je n'en ai pas, je ne peux pas, je ne voudrais pas en avoir.

Mme Demidoff qui sort d'ici te dit mille choses. Voici une lettre que m'apporte M. Hume. J'ai décidé que ton vase allait sur la Tamise, alors tu le recevras quand il plaira à Dieu, s'il se mêle de nos affaires. Je t'embrasse encore.

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dernière modification : 26 décembre 2019
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