Lettres de Monsieur de Souza
à son beau-fils Charles de Flahaut
4 mars 1816

Je vous écrirai plus souvent, mon cher et bien-aimé Charles, si je pouvais le faire comme l'en parle lady ... et si j'avais de quoi vous amuser, mais je vis dans la plus profonde retraite et ne vois personne. Le matin, et quelques fois le soir, je suis occupé de mon édition, à moins que je n'aille passer une partie de la soirée aux français. Je ne lis pas même la gazette tous les jours : ainsi je ne sais parler que du Camoëns. Vous ne saurez croire le travail de donner une édition ancienne quand on veut donner un texte correct et quand il n'y a point un système arrêté d'orthographie dans la langue. Si je ne connaissais pas toute votre aitié pour moi, je craindrais de vous importuner et ennuyer ; mais je compte sur vous comme un Père tendre sur son enfant. Voilà mon petit protégé, comme vous l'appelez, qui m'interrompt, mais je l'aime tant que je ne saurais dire avoir jamais aimé un enfant comme ça ; il est charmant et il a une intelligence au-dessus de son âge comme je n'ai jamais vu. Mais venons-en au Camoëns : je crains (ou j'ai oublié) de n'avoir point bien appliqué ce que je désire de vous. Excusez, mon cher Charles, mon ami, vous ne saurez croire l'utilité dont m'a été cette édition que vous m'avez procurée de L. H. Je vous bénis tous les jours. Ce petit est là, et je ne sais ce que j'écris. Son petit ... continue, et me distrait.
Cette édition de 1572 in-4° de ce temps-là, a été imprimé chez Antonio Gonçalvez à Lisboa. Elle fut faite devant le Camoëns et fut la première. Je crois qu'il n'a point été imprimé d'autres du vivant de Camoëns, mais les éditeurs ... disent qu'il a été imprimé une seconde édition revue et corrigée par le Camoëns la même année 1572, et que c'est sur celle-là qu'ils ont fait leurs éditions. A.. trouve que j'écris trop long et qu'il ennuie, et il dit : Ah mon Dieu ! comme c'est longtemps. Finissez donc une seule ligne de plus. Les uns disent qu'elle était in-folio, d'autres in-4° ; et moi je crois qu'ils l'assurent pour éviter le reproche d'avoir témérairement altéré le texte ; mais je voudrais en être sûr, et c'est pour cela que je vous prie, mon cher Charles, de bien prendre note de l'impression, de l'année, du format, et enfin de tout ce qui peut constater que ce soit une autre édition faite en 1572. Après cela on ne connaît prochaine que celle de Alcala en Espagne faite en 1580 et puis celle de Manuel de Lyra à Lisbonne, imprimée en 1584. Or, si vous ne trouvez point cette seconde de 1572 pour prendre copie des passages que je vous ai demandés, et que vous trouviez les deux autres ou une d'elles, je vous prie d'en prendre note et copier. Peut-être en voudrais-je d'autres graphages. Si vous pouviez le garder assez de temps pour que je puisse vous les marquer, car si dans ces deux éditions d'Alcala et de Lyra , on les a imprimés comme ils sont dans l'édition de lord Holland, c'est sûr qu'il n'y a point eu de seconde édition de 1572, puisqu'on y trouverait ces passages altérés comme ils sont dans les éditions... Enfin je finis. Avez-vous reçu votre pantalon et six chemises par ce pauvre Michaud (?) ou ont-elles été prises aussi. Pauvre diable, il est né sous une mauvaise étoile. Adieu mon cher ami, je suis fâché de ce que ce ne soit pas vrai, mais je ne sais pas ce que je dis et je ne puis pas écrire plus long pour m'en expliquer. Ce petit me tourne la tête. Adieu, God bless you.

Ajout de Mme de Souza :
Le : ce ne soit pas vrai, c'est le mariage. Moi je ne veux rien prévoir , et je m'avance vers l'avenir en véritable colin-maillard . Le ministère restera, les chambres resteront. Voilà ma politique ce 4 mars. Celui qui parlait à Vincennes était une amie de Nonore, elle est portée, ainsi je ne sais plus rire d'eux. Aug... a menti ; je lui ai demandé pourquoi ? et il m'a répondu tout franchement : c'est que j'avais peur d'être grondé. Avis aux parents. M. Gall. lui a dit l'autre jour : M'aimez-vous un peu ? pas un peu, a répondu le petit, mais beaucoup.
Le Roi a les jambes ouvertes, il peut vivre dix ans avec cet exutoire naturel, mais le moindre saisissement pourrait aussi le faire mourir dans la dernière heure, aussi les ministres prennent-ils les ordres de Monsieur, et cachent-ils au Roi tout ce qui pourrait lui donner de l'émotion. Voilà ce qu'on dit à Paris.
Mon enfant je t'aime avec une tendresse que je ne puis t'exprimer. Ecris donc un mot à Mme de Montguion. Je ne t'écrirai point par M. Webster parce que Casimir prétend qu'il n'a jamais vu de tête si évaporée. Du reste, il est poli, veut être aimable et les folies qui n'ont rien de méthodiques ni d'apparence de raison passent plus vite. Il n'y a rien là d'invétéré comme chez le dit Casimir. La Princesse Bagration est en regards tendres avec Ouvrard.

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dernière modification : 26 décembre 2019
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