Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
1er janvier 1816

Je te souhaite mille bonheurs, et je suis bien triste de passer ce jour sans te voir. Comme la vie s'use et comme le temps que je passe éloigné de toi ne devrait pas m'être compté. Au fait, cependant, il me paraît terriblement long. Je t'embrasse de toute mon âme. Je t'ai écrit hier par M. Bonnet, je t'ai envoyé ton habit. Il n'y a aucune nouvelle. Les Anglais sont très mécontents. Achille (Lavalette) est à Grenoble, voilà ce qu'il écrit à sa femme : "Dis à ma tante que ma santé est si mauvaise que j'approche de l'agonie. Que ne donnerais-je pas pour lui parler une heure !"
Avant cela, dans chaque lettre, il parlait du dépérissement de sa santé ; dans l'avant-dernière, il la disait inguérissable. Tu sais ce que parler veut dire. Papa est toujours bien souffrant d'une sciatique qui le force à se faire lever de la chaise par deux hommes. Hier, comme les gens étaient à dîner, il a voulu s'appuyer sur mon épaule, j'ai cru que nous y resterions tous les deux. Il change beaucoup et cela m'inquiète. Adieu cher, cher ami, puisse cette année être plus heureuse que la dernière . Mes hommages de bonne année à lord et lady Holland. As-tu été voir M. et Mme de Baring. Lord William Russell m'a raconté que Sébastiani avait demandé à M. de la Ch... s'il pouvait voir l'opposition, que ce duc lui avait répondu : Ho oui, car ici ce n'est pasde la canaille comme chez vous ! Et puis, qu'il a raconté cela à tout le monde. C'est bien bête, et l'opposition qui est ici me paraît fort refroidie pour le petit général ; ménager la chèvre et le chou est toujours bien difficile. Cela s'appelle marcher sur des pointes d'aiguilles. Le petit Carbonel (?) veut que je te parle de lui . La maison t'offre ses respects, la famille se porte bien. Il y a avec M. Bonnet un M. L... qui m'a tout à fait gagné le coeur par son air doux et mélancolique ; il désire beaucoup te voir, c'est un parent de lady Jersey qui me paraît fort distingué. As-tu été chez M. et Mme Baring ? Papa et moi y tenons fort.
M et Mme Du... te souhaitent une bonne année, celle-là se redresse en disant : "Je sauverai votre fils, moi, s'il était en prison, il pourrait prendre ma robe et je le ferais comme la plus heureuse et la plus honorable chose de ma vie . Le gros greffenelle Alexandre Girardin te dit mille choses. Le gros te demande si tu n'as pas eu la tête pesante, le lendemain de Noël. Moi je désire savoir si tu n'as pourfendu personne, réponse poste pour poste. Je t'embrasse.

retour à la correspondance de Mme de Souza-Flahaut



 

dernière modification : 26 décembre 2019
règles de confidentialité