Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
10 décembre 1815

Je te commence une lettre aujourd'hui, mon cher enfant, quoiqu'elle ne partira que demain, réparation au maréchal Ney, jamais on n'a montré un plus grand et plus beau courage, c'était sa femme, et point lui, qui avait écrit la lettre dont je te parlais dans une de mes précédentes ; lui, a été très noble, très habile pendant le procès, et au moment de l'exécution, il a dit aux vétérans : "Mes ami, je meurs par un jugement inique, mais j'en appelle à la postérité, j'ai combattu 25 ans pour la patrie ; vive la France ! Vive mes amis ! Soldats, faites votre devoir ! " et il a crié plus fortement : "Vive la France !" et est tombé.
Mme Ney est presque folle, elle fait des cris affreux et maudit tout ce qu'elle aimait.
Paris est d'une tristesse affreuse.
On l'a fusillé au bout de la grande allée qui va du Luxembourg à l'Observatoire car un peuple énorme s'était posté à Grenelle, lieu ordinaire de ces exécutions et on était inquiet.
La nuit, il a vu sa femme et ses enfants , il a parlé longtemps bas aux deux aînés, on ignore ce qu'il leur a dit.
Le général Wilson, qui a donné de grandes marques d'attachement à Mme Ney pendant le procès, s'en allait le soir, montant l'allée du Luxembourg pour voir le lieu de l'exécution ; il a vu trois militaires qui en revenaient, et fort de son attachement ; il s'est approché d'eux, et leur a dit : Messieurs, n'est-ce pas ici que le maréchal Ney a été fusillé ?. Un d'eux, reconnaissant son accent lui a répondu avec violence : Il n'a pas été fusillé !- Hélas si, a repris Wilson - Eh bien ! S'il l'a été, c'est par le fait de vous autres, c'est vous qui l'avez mené là ! Et ils ont continué leur chemin. Oh ! je crois qu'à présent, s'il y avait une guerre où un Français put être , on ferait difficilement dix capitulations.
Te souviens-tu du jour où près de ma cheminée tu me disais que ce gouvernement provisoire deviendrait l'exécution de la France.
Mme Ney veut aller s'établir à Florence , je doute qu'on l'y reçoive. Ce qui est sûr, c'est qu'elle ne veut pas rester ici.
A demain, cher ami, je reprendrai ma lettre. On est fort inquiet pour Drouot dont on commencera le procès. On espère pour Lavalette, parce que l'opinion s'est fortement montrée.

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dernière modification : 26 décembre 2019
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