non datée
Lettre de Gregory Ganesco
Sire,
Je n'ai pas à craindre de troubler Votre Majesté dans ses impressions éléctorales.
Alors même que les résultats du scrutin n'eussent pas été satisfaisants, je sais que rien n'ébranlerait ce calme superbe où reposent la force et la sagesse de l'Empereur.
Permettez-moi donc, Sire, de vous donner, non au point de vue de mon humble personnalité, dont je n'aurai garde d'entretenir Votre Majesté, mais au point de vue politique, quelques explications sur ma candidature législative.
Du jour où, contrairement à mes attentes, le gouvernement présentait un candidat dans la troisième circonscription de Seine-et-Oise, j'ai compris qu'il fallait, ou retirer ma candidature, ou me résigner au rôle d'agent électoral.
Retirer ma candidature, c'eût été laisser le champ libre à MM. Portalis et Say, qui épuisaient dans chaque commune le vocabulaire accusateur du libéralisme orléaniste, et à M. Peigné-Crémieux, qui prêchait des lieux communs révolutionnaires sous l'égide de Danton.
C'eût été encore infliger aux populations le spectacle d'une opposition haineuse accablant le présent et n'ayant personne en face d'elle pour lui rappeler le passé.
Me résigner au rôle d'agent électoral, c'était enterrer ma candidature, mais c'était faire vivre la candidature officielle ; faire vivre cette dernière par l'impression que cent trente discours improvisés pendant dix-sept jours devaient laisser dans l'esprit des populations, par la vibration patriotique que l'âme populaire, si intimement attachée aux Napoléons, a ressentie devant un jeune homme qui, quoiqu'en butte aux tracasseries des agents de l'administration, ne cédait pas un pouce de terrain aux partisans des dynasties déchues.
C'est ainsi que j'ai fortifié, Sire, les amis du gouvernement dans leur habitude à suivre le gouvernement dans ses choix, et que je me suis attiré toutes les haines des ennemis de l'Empire, en même temps que je m'exposais à toutes leurs manoeuvres.
J'étais devenu l'ennemi commun !
Vos ennemis, Sire, estimaient la veille même du scrutin que l'honorable M. Rendu n'aurait pas plus de 4 000 voix et que j'en aurais 10 000.
J'étais peut-être seul dans la circonscription de Pontoise à ne pas partager cette croyance.
Mais aujourd'hui, je ne serai pas seul à penser que mon concours, le sacrifice de moi-même ont été utiles à la cause du pays et de l'Empereur.
Sire, toute une génération arrivée en silence s'éprend subitement de passion pour le tumulte. Pour une pareille situation, situation nouvelle, à larges et multiples proportions, Votre Majesté appréciera si ma plume et ma parole, mon dévouement et mon expérience des choses de la politique peuvent être de quelque utilité.
Je suis aux ordres de l'Empereur.
Je suis toujours, Sire, de Votre Majesté, l'humble, obéissant, dévoué et fidèle serviteur et sujet.
Gregory Ganasco
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