Cerçay, le 29 septembre 1867
Lettre de M. Rouher - Construction du chemin du Nord de l'Espagne

Sire,

Une nouvelle crise s'est produite dans les affaires dirigées par MM. Pereire. Une note publiée dans les journaux annonce que les intérêts des obligations du chemin du Nord de l'Espagne ne seront pas payés le 1er octobre. Ce sinistre n'a, à aucun degré, pour cause les affaires de la Société immobilière et du Crédit mobilier, et nous n'étions pas en position de le conjurer.
La construction du chemin du Nord de l'Espagne a coûté beaucoup plus d'argent qu'on ne l'avait cru dans le principe ; le capital actions avait été bien vite absorbé, puis il avait fallu émettre des obligations à un taux assez défavorable. La ligne, une fois ouverte, n'a pas donné des produits suffisants pour le service des intérêts des obligations. Le Crédit mobilier espagnol a consenti à faire des avances pour ce dernier pendant plusieurs années, dans l'espoir que la cabinet de Madrid réaliserait les quasi-promesses par lui faites et viendrait en aide aux compagnies de chemins de fer de l'Espagne, qui toutes sont en grande souffrance.
Votre Majesté sait les péripéties auxquelles cette négociation a été soumise et les résistances que nous avons rencontrées pour un acte de réparation légitime.
Le Crédit mobilier espagnol, découragé par ce mauvais vouloir, privé d'ailleurs par la crise financière actuelle de ses principales ressources, a refusé de continuer ses avances et force a été d'annoncer le non-paiement des intérêts des obligations.
J'avais signalé à M. Mon l'imminence de ce nouveau désastre et le nouvel obstacle qui en résulterait pour accorder aux valeurs de l'Etat espagnol la cote qu'il persiste imperturbablement à réclamer ; mais mon avertissement n'a produit aucun bon résultat. J'ai même dû déjouer une petite manoeuvre des agents de change, probablement provoquée par quelque agent secondaire et dont le but était d'avoir les bénéfices de la cote officielle sans l'avoir obtenue régulièrement.
J'ai cru devoir transmettre ces détails à Vore Majesté, d'abord pour éviter une confusion sur les causes de cette situation, ensuite pour justifier la prière que je fais à l'empereur de saisir toute occasion favorable pour insister auprès du gouvernement de Madrid dans l'intérêts des porteurs français de titres espagnols.
Daignez, Sire, agréer l'assurance de mon profond respect et de mon éntiet dévouement.

E. Rouher

retour sur "documents Louis-Napoléon-Bonaparte"



 

dernière modification : 26 décembre 2019
règles de confidentialité