Paris, Palais-Royal, le 12 juin 1866
Lettre du prince Jérôme Napoléon à l'Empereur

Il se plaint, au nom de Victor-Emmanuel, que les affaires d'Italie soient traitées en dehors du roi, et que l'Empereur continue à se taire sur ses desseins.

Sire,

J'ai communiqué à mon beau-père ce que Votre Majesté m'a écrit. Je crois, comme je vous l'ai dit hier soir, à de l'exagération de la part de Gramont et à peu de sincérité de la part de l'Empereur d'Autriche, dont le but évident est de séparer l'Italie de la Prusse pour en vénir à bout séparément. C'est dans ce but qu'il laisse entrevoir la Vénétie, qu'il ne cèdera pas, ou à des conditions impossibles ; mais, en attendant, il aura gagné du temps, ce qui est tout en politique et à la guerre. Il espère affaiblir ses ennemis en les rendant hésitants ; c'est bien là le but de la politique autrichienne.
Le roi de Prusse est faible, indécis, mais non traître ; du reste, cela se verra par sa conduite. Votre Majesté verrait-elle de l'inconvénient à ce que le roi d'Italie provoque une explication du roi de Prusse sur ce que l'Empereur d'Autriche a dit ?
D'après les dépêches d'Italie, il est clair qu'ils y sont très-inquiets : ils savent la mission de Gramont par le bruit public ; le roi désire la connaître, et Votre Majesté ne lui dit rien ; il est tourmenté de voir les affaires d'Italie traitées en dehors de lui sans qu'il en soit informé ; de là ses demandes pressantes. Le langage des personnes influentes de votre gouvernement n'est pas fait pour rassurer l'Italie, étant tout à fait favorable à l'Autriche. M. de Goltz m'en a parlé hier soir. Le roi d'Italie, ne sachant rien doit craindre que la France ne veuille lui faire abandonner l'alliance prussienne pour un mirage vénitien garanti par rien ; votre silence sur la réponse de l'Autriche surtout, l'inquiète. Je ne puis l'éclairer, ne sachant rien moi-même sur cette réponse. Je le lui ai écrit en transmettant textuellement la réponse confidentielle de Votre Majesté, qui ne contient pas un mot de ce qu'elle traite sur l'Italie à Vienne. Nigra écrit au général Lamarmora qu'il est dans la même ignorance ; ils ne veulent pas le croire, à Florence. Les ténèbres ne peuvent qu'agiter le gouvernement italien et avoir de graves conséquences.
Veuillez agréer, Sire, l'hommage du profond et respectueux attachement avec lequel je suis, de Votre Majesté, le très-dévoué cousin.,

Napoléon (Jérôme)

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dernière modification : 26 décembre 2019
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