Chapultepec, 20 octobre 1865
Affaire du Mexique. Lettre de Maximilien à Napoléon

Le nouvel empereur du Mexique remercie Napoléon de la protection accordée, et il regarde l'envoi du Conseiller d'Etat M. Langlais comme une chance de salut. La situation est déjà difficile ; Maximilien est inquiet ; cependant la lettre paraît confiante.

Monsieur mon frère,

C'est avec un vif plaisir et un sentiment de véritable reconnaissance que je viens de recevoir, par l'entremise de M. Langlais, l'aimable lettre de Votre Majesté, du 29 août. Les bons conseils de sincère ami que Votre Majesté me donne avec cette lucidité si remarquable qui la caractérise sont toujours pour moi du grand prix ; ils émanent du plus grand souverain de notre siècle, qui est certes le meilleur juge dans des questions aussi difficiles que celles qui nous préoccupent au Mexique. Du moment que Votre Majesté a confiance en M. Langlais, ce digne homme d'Etat peut être sûr de la mienne ; son concours est pour moi plus que nécessaire, puisque la plus grande difficulté d'une position est le manque complet d'instruments utiles.
M. Langlais, comme ministre des finances, aura l'occasion de faire connaître à Votre Majesté la situation actuelle ; elle est difficile, mais pas désespérée. Ce n'est que la guerre qui dévore les ressources ; les autres branches de l'administration coûtent moins que dans tout autre pays. Dans les dépenses de la guerre, ce sont ces malheureuses troupes auxiliaires, que le maréchal croient absolument nécessaires, qui coûtent des sommes exorbitantes et qui servent, d'après mon jugement, à fort peu de chose. Dans les autres parties de l'administration, il règne preque de la parcimonie. Le changement qui s'est effectué dans mon ministère vous montrera qu'on cherche l'harmonie la plus complète et des hommes probes et utiles.
M. Dano aura écrit à son ministre que l'affaire des réclamations est définitivement arrangée sur des bases que la reconnaissance du Mexique envers la France nous a dictées.
M. Dano et le maréchal auront également informé le Gouvernement de Votre Majesté de la grande circonspection qu'on met ici dans toutes les questions délicates relatives à nos voisins. Les nouvelles que nous avons de Washington sont du reste rassurantes, et l'amitié sincère de Votre Majesté me donne cette ferme confiance dans l'avenir, qui, seule, rend possible une tâche si difficile.
Dans les derniers jours, tous nos travaux d'organisation politique, administrative et judiciaire, basés sur le statut du 10 avril, ont été terminés et paraîtront ces jours-ci en plusieurs volumes.
J'espère pouvoir envoyer ce travail à Votre Majesté avec le prochain courrier français. J'ai renoncé à mon voyage à Yucatan, où l'Impératrice ira seule, pour pouvoir me mettre assidûment au travail avec M. Langlais, qui a gagné déjà toutes mes sympathies. Le maréchal vous aura envoyé la loi draconienne que j'ai dû donner contre les guerilleros ; le résultat de cette loi sera favorable.
On aurait déjà pu en finir depuis longtemps avec ce fléau du pays, si les troupes n'avaient manqué.
Je prie Votre Majesté de me rappeler au bon souvenir de l'Impératrice et de croire aux sentiments de haute estime et de sincère amitié avec lesquels je suis,

De Votre Majesté, le bon frère

Maximilien

PS : J'apprends à l'instant que M. Langlais ne croit pas pouvoir accepter le portefeuille des finances avant d'en avoir référé directement à Votre Majesté. Les motifs qu'il m'allègue pour décliner pour le moment la direction officielle que je lui avais donnée me semblent d'une nature si délivate, que je crois devoir prier Votre Majesté de bien vouloir être l'arbitre dans l'enquête scrupuleuse des dépenses faites depuis que je me trouve à la tête du gouvernement. Les rapports que M. Langlais adressera successivement à Votre Majesté démontreront la justesse de ma demande.

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dernière modification : 26 décembre 2019
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