Berlin, le 10 février 1863
Lettre de M. le professeur Heller au sujet de "La Vie de César"

Sire,

Les immenses progrès que les recherches entreprises en personne, ou ordonnées par Votre Majesté, ont fait faire à la meilleure appréciation des opérations militaires racontées par César dans ses Commentaires, et les services éminents que Votre Majesté a rendu par là aux lettres, sont justement appréciés, non-seulement en France, mais encore par les savants de l'Allemagne, et l'on admire partout les nobles occupations dont Votre Majesté sait remplir les loisirs que Lui laissent le gouvernement d'une grande nation et la politiqque du monde.
Quant à moi, j'ai toujours poursuivi avec le plus vif intérêt toutes ces investigations et toutes ces découvertes dues à l'initiative généreuse et éclairée de Votre Majesté, et j'ai trouvé, après mes fonctions, une récréation agréable en étudiant tout ce que les ressources littéraires de Berlin ont pu me procurer pour l'approfondissement des ouvrages d'un écrivain dans la lecture duquel j'ai eu autrefois l'honneur d'introduire Son Altesse Royale le Prince Frédéric-Guillaume de Prusse.
Ayant eu l'occasion de passer en revue dans le Journal philologique de Goettingue les nouveautés littéraires de tout genre qui se rapportent aux Commentaires, j'ose me flatter d'avoir été un des premiers dans ma patrie à mettre sous les yeux de nos érudits un rapport succint de ce que la France a dernièrement contribué à l'éclaircissement des écrits du grand Romain et dont la plus grande partie n'aurait jamais vu la lumière sans l'impulsion ou sans le concours de Votre Majesté.
C'est cette considération même qui m'a encouragé à prendre la liberté d'envoyer à Votre Majesté les pages que je viens de faire imprimer, quelque peu dignes que je doive les juger d'être soumises à ses yeux. L'intention, j'ose avoir cette confiance dans la magnanimité de Votre Majesté, fera pardonner ce qu'il y a de chétif dans la forme prescrite par le cadre étroit d'un périodique.
Peut-être Votre Majesté daignera-t-ellejeter un regard dans mon petit traité pour se convaincre que j'y ai développé ou esquissé plusieurs vues neuves tant sur le terrain que sur la marche de quelques expéditions et batailles de César. J'ai aussi hasardé un nouvel essai de reconstruire en idée les trirèmes des anciens, et j'espère pouvoir bientôt détailler plus amplement quelques-uns de ces points. Enfin j'ai tâché d'éclaircir la destination des tombelles d'Alaise, question qui a tant occupé il y a quelques ans les savants de la France et qui a failli d'offusquer les droits d'Alise, qui désormais sera redevable à Votre Majesté d'être reconnue sans contredit pour la véritable ville de César.
Votre Majesté saura, sans que j'ajoute un mot, juger si, dans ce que j'ai avancé il y a quelque chose d'utile ou d'intéressant pour ceux qui font une étude approfondie des Commentaires : pour moi, j'aurais cru manquer à un devoir, si je n'avais envoyé au plus illustre des commentateurs de l'écrivain romain, un traité qui, sans cela, ne serait probablement jamais venu entre ses mains.
Daignez, Sire, agréer l'assurance de la plus profonde estime, et d'un respect illimité avec lesquels j'ai l'honneur d'être, de Votre Majesté, le plus humble et le plus obéissant serviteur.

H-J. Heller, professeur

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dernière modification : 26 décembre 2019
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