année 1851
4 novembre 1851

 

 

 

Message du Président de la République à l'Assemblée législative

Messieurs les Représentants,

Je viens, comme chaque année, vous présenter le compte sommaire des faits importants qui se sont accomplis depuis le dernier Message. Toutefois je crois devoir passer sous silence les événements qui, malgré moi, ont pu produire certains dissentiments toujours regrettables.
La paix publique, sauf quelques agitations partielles, n'a pas été troublée ; et même, à plusieurs époques où les difficultés politiques étaient de nature à affaiblir le sentiment de la sécurité et à exciter les alarmes, le pays, par son attitude paisible, a montré dans le Gouvernement une confiance dont le témoignage m'est précieux.
Il serait neanmoins imprudent de se faire illusion sur cette apparence de tranquillité. Une vaste conspiration démagogique s'organise en France et en Europe. Les sociétés secrètes cherchent à étendre leurs ramifications jusque dans les moindres communes ; tout ce que les partis renferment d'insensé, de violent, d'incorrigible, sans être d'accord sur les hommes ni sur les choses, s'est donné rendez-vous en 1802, non pour bâtir, mais pour renverser.
Votre patriotisme et votre courage, à l'égal desquels je m'efforcerai de marcher, épargneront, je n'en doute pas, à la France, les périls dont elle est menacée ; mais, pour les conjurer, envisageons-les sans crainte comme sans exagération ; et tout en étant convaincus que, grâce à la force de l'administration, au zèle éclairé de la magistrature, au dévouement de l'armée, la France ne saurait périr, réunissons tous nos efforts afin d'enlever au génie du mal jusqu'à l'espoir d'une réussite momentanée.
La meilleur moyen d'y parvenir m'a toujours paru l'application de ce système qui consiste, d'un côté, à satisfaire largement les intérêts légitimes ; de l'autre, à étouffer, dès leur apparition, les moindres symptômes d'attaques contre le réligion, la morale, la société.
Ainsi, procurer du travail en concédant à des compagnies nos grandes lignes de chemins de fer, et, avec l'argent que l'Etat retirera de ces concessions, donner une vive impulsion aux autres travaux dans tous les départements ; encourager les institutions destinées au développement du crédit agricole ou commercial ; venir, par des établissements de bienfaisance, au secours de toutes les misères, telle a été et telle doit être encore notre première sollicitude ; et c'est en suivant cette marche qu'il sera plus facile de recourir à la répression lorsque le besoin s'en fera sentir.

Intérieur

Dans la plus grande partie de la France, les mesures ordinaires ont suffi pour assurer l'ordre ; mais l'état de siège, maintenu dans la 6è division militaire, a dû être étendu au département de l'Ardèche, ensanglanté par des collisions fréquentes, et, plus récemment encore, aux départements du Cher et de la Nièvre, effrayés d'un commencement de jacquerie.
A Lyon a été organisée une police forte et unique qui embrasse douze villes ou communes suburbaines que la loi a comprises sous la dénomination d'agglomération lyonnase.
Les réfugiés politiques entrent dans des affiliations dangereuses ; quelques-uns ont dû être expulsés, mais l'hospitalité a continué de s'étendre à un très-grand nombre.
Une somme de plus de 486 000 fr. a été répartie entre 2080 réfugiés.
Les vices de l'organisation municipale ressortent de la nécessité où s'est trouvé le Gouvernement de révoquer, en un an, sur l'avis conforme du Conseil d'Etat, 401 fonctionnaires électifs, dont 278 maires, et 123 adjoints.
La dissolution des conseils municipaux s'est élevée à 126 ; celle des gardes nationales à 130.
Quoique le maintien de la sécurité et l'applicaion des mesures sévères soient dévolus principalement au ministère de l'intérieur et réclament avant tout son action, son zèle éclairé n'a rien épargné pour qu'elle s'étendît en même temps à tous les moyens de stimuler le travail, cette première condition du bien-être et de la tranquillité.
Ainsi l'administration municipale de Paris a adopté deux vastes projets qui, en même temps, offrent l'avantage de faciliter l'approvidionnement de la Capitale et de l'embellir : je veux dire la construction des halles et le prolongement de la rue de Rivoli.
L'impulsion s'est bientôt communiquée de Paris aux départements, qui ont affecté des sommes considérables à des travaux utiles.
La science et les arts ont reçu de notables encouragements, et les sommes importantes votées pour la restauration de plusieurs monuments historiques ont reçu leur application.
Deux projets de loi demandent une solution prompte : l'un a pour objet de déterminer les indemnités dues aux citoyens qui ont éprouvé des dommages matériels lors des événements de février et de juin ; l'autre est relatif à la réorganisation du travail dans les prisons.
Il est encore un projet de loi dont je vous avais parlé dans mon précédent Message, et auquel j'attache la plus grande importance ; c'est celui qui a pour but de venir au secours des vieux débris des armées de la République et de l'Empire. Des circonstances indépendantes de ma volonté en ont jusqu'ici empêché la présentation. J'espère que bientôt vous pourrez l'accueillir avec faveur ; car, je vous prie de ne point l'oublier, il y a sur tous les points du territoire des hommes couverts de blessures qui se sont sacrifiés à la défense de la patrie et qui attendent avec anxiété qu'on leur vienne en aide. Pour eux le temps presse : l'âge et la misère les accablent.

Finances

La situation est aussi favorable que le comportent les engagements du passé et les incertitudes politiques de l'avenir.
Le compte de 1849, qui vous a été soumis, fait connaître le solde définitif de cet exercice : le déficit qu'il laisse à la charge du Trésor ne dépasse pas le chiffre indiqué par le Message du 12 novembre dernier.
Le décret qui abrège de deux mois la durée des exercices a été appliqué aux recettes et aux dépenses de 1850, de sorte que, dès aujourd'hui, il est facile d'apprécier exactement le découvert. Il restera, nous sommes heureux de pouvoir l'annoncer, au-dessous des prévisions de la commission du budget et même de celles de l'administration.
Le budget de 1851 est en cours d'exécution, et les résultats définitifs qu'il présentera dépendront beaucoup du produit des revenus pendant les derniers mois. Jusqu'à ce jour, le recouvrement des impôts offre un résultat rassurant.
Les contributions directes continuent à être acquittées avec exactitude. Leur rentrée présente une amélioration réelle sur la situation de l'année dernière, qui était déjà favorable.
Les impôts indirects se ressentent du défaut de confiance dans l'avenir, sans que néanmoins jusqu'ici il se soit produit aucune diminution sur l'ensemble des recettes prévu au budget.
La perte qu'ont éprouvée quelques branches du revenu, notamment les droits d'enregistrement, est compensée par l'élévation du chiffre des taxes de consommation, ce qui constate le bien-être et l'activité des classes les plus nombreuses.
La diminution du produit des douanes ne révèle aucun symptôme fâcheux ; compensée, en ce qui concerne les sucres coloniaux, par l'accroissement des perceptions sur les sucres indigènes, elle s'explique pour d'autres objets par les effets de la loi du 11 janvier dernier, qui a réglé les rapports économiques de l'Algérie et de la France, et dont les bienfaits pour nos possessions d'Afrique s'augmenteront par l'institution récente d'un établissement de crédit. Rien dans ces résultats prévus qui ne soit conforme aux intérêts généraux du pays. Le progrès soutenu de nos exportations en tout genre est venu balancer pour nos industries le ralentissement du marché intérieur. Le chiffre élevé qu'elles ont atteint dans les dernières années, comparé au chiffre des importations, explique l'affluence des métaux précieux dans notre pays.

ANNEES IMPORTATIONS EXPORTATIONS EXCEDANT
par année* des valeurs
à l'exportation sur les
valeurs à l'importation
1848 474 259 753 689 994 719 215 734 966
1849 724 118 975 937 949 592 213 830 617
1850 790 666 634 1 068 122 198 277 455 564
Total pendant les trois
années
1 989 045 362 2 696 066 509 707 021 147
* D'après le résultat des neuf premiers mois de 1851, cet excédant sera, pour cette année, égal et même supérieur à celui de 1850.

Cet accroissement des exportations est d'autant mieux assuré dans l'avenir, qu'il repose sur la marche progressive de la civilisation.
En résumé, le budget de 1851 présentera des résultats à peu près conformes aux prévisions.
Les travaux publics extraordinaires, exécutés en 1850 et 1851, s'élèvent à la somme de 172 millions. Les découverts de ces deux années sont loin d'atteindre cette somme, et la dépense des travaux publics ne restera que pour une partie à la charge de l'avenir.
La paix et l'ordre ont surtout pour heureux effet d'améliorer la situation de classes laborieuses, et cette amélioration est attestée par les mouvements des fonds des caisses d'épargne. Les dépôts de cette nature ont augmenté pendant l'année 1850, et pendant les six premiers mois de 1851, avec une rapidité telle, qu'à aucune époque on ne pourrait signaler un semblable accroissement. Mais cet état de choses avait des dangers, et l'Assemblée, de concert avec le Gouvernement, a cherché à les prévenir en conciliant, par le loi du 30 juin dernier, les intérêts de ces institutions justement populaires et ceux de l'Etat.
Cette loi commence à recevoir son exécution, et les premiers faits constatés indiquent que ses avantages ont été compris par la masse si nombreuse et si intéressante des déposants.
Une autre loi a concédé les paquebots-postes de la Méditerranée à l'industrie particulière.
Il est désirable que des concessions semblables permettent d'étendre nos relations de commerce et de correspondance avec les pays transtlantiques. L'administration se préoccupe de ces questions et étudie les moyens de les résoudre.
Le ministre de finances, usant de l'autorité qui lui avait été donnée, a négocié les rentes provenant de la liquidation des caisses d'épargne.
Si l'on tient compte des circonstances au milieu desquelles l'opération s'est accomplie, on ne saurait méconnaître que la négociation s'est faite à un taux très-avantageux.
Vous y trouverez la preuve que, lorsque les préoccupations politiques auront cessé de peser sur l'état de nos finances, il sera facile, si vous le jugez nécessaire, d'avoir recours au crédit, à des conditions favorables au Trésor.

Travaux publics

L'importance commerciale, politique et militaire des chemins de fer devient de jour en jour plus évidente. Dans l'entraînement général, ne pas avancer nous-mêmes, ce serait reculer. Le Gouvernement l'a compris, et la réduction des crédits ne l'a pas empêché de poursuivre, avec la plus grande activité, l'achèvement des travaux sur la ligne principale de Paris à Strasbourg et sur l'embranchement de Metz à la frontière prussienne.
Quatre sections, formant ensemble une étendue de 210 kilomètres, auront été inaugurées en 1851 ; et dans le premier semestre de l'année prochaine, la ligne entière de l'Est pourra être livrée au public.
Plus de 100 kilomètres ont été ajoutés à chacune des lignes de Paris à Bordeaux et de Paris à Lyon. Celle de Tours à Nantes est complète.
En résumé, la longueur totale des sections ouvertes à la circulation, en 1851, dépasse 500 kilomètres, et les travaux ont été assez avancés sur les autres sections pour permettre d'ajouter à notre réseau 330 kilomètres en 1852

Sections ouvertes en 1851 :
 
Sur la ligne de Strasbourg
210 km
Sur la ligne de Lyon
118 km
Sur la ligne de Bordeaux
101 km
Sur la ligne de Nantes
87 km
total :
516 km
Sections à ouvrir en 1852 :
Sur la ligne de Strasbourg
161 km
Sur la ligne de Bordeaux
133 km
Sur la ligne de l'Ouest
36 km
total :
330 km

Un chemin de ceinture est reconnu nécessaire pour relier les têtes de lignes des principaux chemins de fer qui partent de la Capitale.
Vous avez fixé d'urgence au 10 novembre prochain la discussion des deux projets de loi relatifs au chemin de fer de Paris à la Méditerranée ; l'opinion publique continue à vous le signaler comme un établissement de première nécessité.
Les crédits destinés à l'achèvement et à la rectification des routes nationales sont trop restreints pour permettre de doter de communications plus faciles les contrées qui, à raison du relief de leur sol, n'ont pas été comprises dans le réseau des chemins de fer ou des canaux. Dans le budget de 1852, je vous demande les moyens d'améliorer cette position en la mettant d'accord avec la justice distributive.
La navigation intérieure, cet auxiliaire indispensable de l'agriculture et du commerce, même avec les chemins de fer, n'a pas été négligée. De grands résultats sont déjà obtenus ou pourront l'être dans un avenir prochain, malgré l'insuffisance des allocations.
Le canal latéral à la Garonne, déjà livré à la navigation entre Toulouse et Agen, sur un développement de 127 kilomètres, sera dans quelques mois poussé jusqu'au Mans, à 42 kilomètres au delà d'Agen, et mis en communication avec la Baïse canalisée. Encore quelques années et quelques efforts, et l'oeuvre gigantesque de Louis XIV aura reçu, à la gloire de notre époque, son complément nécessaire.
La dernière section du canal de la Marne au Rhin pourra être livrée au commerce au commencement de 1853.
Sur la Seine, la lacune si regrettable que présente la navigation du fleuve dans la traversée même de la Capitale va incessamment disparaître.
Entre Rouen et le Havre, la navigation maritime a recueilli des avantages inespérés de l'exécution des travaux d'endiguement. Un projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'assurer le maintien de ces heureux résultats.
Par le même projet de loi, le Gouvernement vous propose d'entreprendre, aux embouchures du Rhône, un système d'ouvrages analogues à ceux qui ont obtenu sur la Seine un succès si complet.
Des études se poursuivent dans le même sens pour l'amélioration de la navigation maritime de la Loire et de la Garonne.
Parmi les travaux des bâtiments civils et des palais nationaux qui auront été terminés dans le cours de cette année, je mentionnerai les bassins de Versailles et de Saint-Cloud, la bibliothèque Sainte-Geneviève, l'hôtel du Timbre et la restauration des salons du Louvre.
Un projet de loi relatif à l'achèvement du Louvre est à l'étude et vous sera incessamment présenté.
Depuis longtemps le commerce réclamait la liberté des transports en matière de roulage ; nous avons donné à l'opinion publique cette légitime satisfaction.
Enfin, les décrets récents qui ont donné une nouvelle organisation au corps et à l'école des ponts et chaussées ont préparé l'application des lois relatives au mode de recrutement des ingénieurs.

Agriculture et commerce

Le Gouvernement a poursuivi la réalisation du voeu émis par le conseil général de l'agriculture, des manufactures et du commerce, pour l'institution des concours si utiles à l'amélioration de nos races d'animaux domestiques.
Pour faciliter ces encouragements, une demande d'allocation supplémentaire a été introduite au projet de budget de 1852.
L'administration a fait étudier par des hommes spéciaux différentes questions d'un haut intérêt pour l'agriculture, et publier des documents sur la culture du lin en Belgique et en Hollande.
Une enquête sur les institutions de crédit foncier et agricole facilitera, par de nouveaux documents, l'étude et la discussion du projet de loi de crédit foncier soumis en ce moment aux délibérations de l'Assemblée.
Les résultats de l'enquête sur les établissements de colonisation agricole de Hollande, de Suisse, de Belgique et de France ont été publiés.
Des instructions spéciales et détaillées ont été adressées aux préfets pour faciliter l'exécution de la loi du 20 mars 1851, qui a organisé la représentation légale de l'industrie agricole, et les conseils généraux ont été appelés à appliquer l'une de ses dispositions les plus importantes.
Des orages et des ouragans, sur plusieurs points de la France, ont ruiné de nombreuses familles. Pour leur venir en aide, le Gouvernement, s'associant aux efforts de la charité privée, a élevé, par un décret du 27 août dernier, à 7 1/2 pour 100 le taux du secours à accorder en cas de pareils sinistres.
Un concours d'événements et de circonstances, présents à la mémoire de tous, avaient avili le prix des denrées ; mais les changements apportés par quelques Etats de l'Europe, surtout par l'Angleterre, dans leur législation sur les grains, sont venus ouvrir à notre agriculture de nouveaux et larges débouchés. Depuis 1849, nos expéditions ont pris un développement inconnu jusqu'alors.
La publication de l'Atlas statistique de la production des chevaux en France se poursuit avec activité, et démontrera, très prochainement, que nos richesses chevalines ne le cèdent en rien à celles des autres nations d'Europe.
Un décret du 3 septembre 1851 a organisé les chambres de commerce, et en les reconnaissant comme établissements d'utilité publique, satisfait à un de leurs voeux fréquemment exprimés.
Quelques faits très-regrettables avaient inspiré des inquiétudes sur l'organisation des sociétés et agences tontinières. Une commission procède à la révision des statuts en vue d'y introduire toutes les améliorations et toutes les garanties que comporte la nature de ces établissements.
Il a été publié un règlement d'administration publique sur les sociétés de secours mutuels, en exécution de la loi du 15 juillet 1850. Il leur laisse la plus entière liberté sous la seule réserve des garanties indispensables. Le compte rendu prescrit par la même loi fera connaître la part pour laquelle ces sociétés contribuent à l'amélioration du sort de la classe laborieuse.
La loi du 4 mai 1851 a déterminé les bases du contrat d'apprentissage dans l'intérêt des familles ouvrières et dans celui de l'industrie. Elle aura pour but d'assurer à l'apprenti de légitimes garanties d'instruction et de moralité ; sans porter atteinte à la liberté du travail et aux droits de la famille.
Un décret du 17 mai dernier a déterminé les exceptions à la règle établie par la loi du 9 septembre 1848, qui a limité à douze heures la durée du travail effectif dans les manufactures et usines. Le Gouvernement croit avoir justifié la confiance du législateur.
Les avances faites par certains patrons à leurs ouvriers plaçaient souvent ces derniers dans l'impossibilité de les rembourser, et les engageaient pour un temps illimité. La loi du 21 mai dernier, en réduisant à 30 francs le chiffre des avances privilégiées, a concilié la liberté du travail avec le respect dû aux conventions.
Le projet de loi des marques de fabrique, d'un si haut intérêt pour l'industrie et le commerce, a déjà subi l'examen du Conseil d'Etat, et sera soumis prochainement à l'Assemblée.
Le décret du 24 décembre 1850 a posé les bases d'une nouvelle organisation du service sanitaire sur le littoral ; cette organisation, plus simple et plus en harmonie avec l'ensemble de notre système administratif, a été réalisée dans le cours de la présente année.
Sur notre appel, des délégués des Puissances étrangères, choisis dans le corps conculaire et dans le corps médical, préparent maintenant à Paris les base d 'un règlement uniforme pour tous les pays situés sur les bords de la Méditerranée.
Les chiffres de nos exportations témoignent de l'activité imprimée au travail de nos fabriques, et les résultats obtenus depuis le dernier Message démontrent à quel point l'industrie française, au milieu des circonstances difficiles et d'une concurrence incessante, sait triompher des obstacles et agrandir ses débouchés.
La supériorité de certaines branches d'industrie s'est confirmée ou révélée à l'exposition de Londres, comme le prouvent les nombreuses récompenses accordées à nos exposants. En effet, la France, relativement, en a plus obtenu à elle seule que les autres pays, y compris l'Angleterre. le tableau de la distribution générale le démontre.

A la France 1050 5186
A l'Angleterre 2365
Aux autres pays 1771
Or, proportionnellement au nombre respectif des exposants, la France se trouve avoir obtenu 60 récompenses sur 100 exposants ; l'Angleterre, 219 ; Les autres pays, 18

Ce ne sont pas seulement nos produits d'art, de goût et de luxe qui nous ont valu de tels succès : nos machines, nos intruments de précision, nos produits chimiques, nos cuirs ouvrés, notre quincaillerie, de même que la préparation de nos matières premières ou nos procédés de fabrication et de teinture ont été l'objet des plus honorables distinctions.
L'exposition universelle aura ajouté une page des plus glorieuses aux annales de l'industrie française.
L'Assemblée nationale, pour maintenir la législation en harmonie avec ce progrès signalé, a, depuis le 12 novembre 1850, voté trois lois importantes en faveur du commerce, de l'industrie et de la marine :
La loi du 11 janvier 1851 qui a réglé le régime commercial de l'Algérie ;
La loi du 13 juin 1851 qui remanie le tarif des sucres : les produits coloniaux ont trouvé sur notre marché un écoulement des plus avantageux sans compromettre la prospérité de l'industrie indigène ;
La loi du 22 juillet dernier, pour encourager l'industrie des grandes pêches maritimes, et déjà, de nos ports principaux, a eu lieu le départ des navires du plus fort tonnage.
En même temps ont été introduites dans les règlements commerciaux des améliorations notables.
Le Message du 12 décembre 1850 annonçait une enquête sur l'état de notre marine marchande ; elle a eu lieu. Les documents sont sous les yeux d'hommes éclairés et compétents ; leur travail amènera d'utiles réformes, et dès à présent, si l'Assemblée adopte la proposition inscrite au projet de budget de 1852, le cabotage pourra être exonéré d'une partie des charges qui pèsent sur lui.

Justice

Le dernier Message constatait que l'Assemblée était saisie de trois projets de loi essentiels.
Le premier, sur l'organisation judiciaire, est encore à l'état de rapport ;
Le second, sur les hypothèques, sera prochainement soumis à une troisième lecture, et les populations jouiront bientôt des avantages de la loi nouvelle ;
Le troisième, sur l'assistance judiciaire. La loi a été votée le 23 janvier dernier.
L'administration n'a rien négligé pour en assurer la prompte exécution.
Partout les bureaux d'assistance sont, dès à présent, en fonctions, et le pauvre peut, à l'égal du riche, faire valoir ses droits devant les tribunaux.
La loi sur le mariage des indigents reçoit aussi une heureuse application.
Le dernier Message parlait également de projets de loi relatifs à la réhabilitation des condamnés et à la répression des crimes et délits commis par des Français en pays étranger. Ils ont été soumis au Conseil d'Etat, qui s'occupe en même temps d'une proposition émanée de l'initiative parlementaire, au sujet de la déportation. De grandes difficultés s'étaient élevées sur la désignation du lieu ; elles semblent aplanies, et cette loi, que réclament le repos de la société et l'amendement des condamnés, pourra devenir bientôt l'objet du double examen du Conseil d'Etat et de l'Assemblée.
L'administration de la justice a été partout prompte et éclairée.

Instruction publique et Cultes

La loi du 15 mars 1820 a eu, quant à l'instruction primaire, les meilleurs résultats. L'administration rectorale, plus rapprochée des établissements et aidée du concours des délégués cantonaux, a exercé une surveillance plus active.
La facilité accordée aux communes de substituer, dans certains cas, des écoles libres à des écoles publiques, n'a pas diminué le nombre de ces dernières.
Le nombre des écoles communales augmente : il était de 34 446 au moment de la promulgation de la loi ; il est maintenant de 34 939.
L'instruction des filles, si importante au point de vue des principes religieux et du bon ordre dans les familles, s'est répandue de plus en plus : on comptait 10 171 écoles communales de filles en 1850 ; on en compte 10 542 en 1851.
La nouvelle loi n'a point été favorable au développement de l'enseignement libre des garçons : il y avait 4950 écoles libres de garçons en 1850 ; il n'y en avait plus que 4622.
Il en est autrement des écoles libres de filles : en 1850 , elles étaient de 11 088 ; en 1851, elles sont de 11378.
En résumé, il y a sur l'ensemble des écoles primaires une augmentation de 806.
L'organisation de l'instruction publique, d'après les bases de la loi nouvelle, est, depuis un an, pleinement accomplie. Les conseils académiques ont montré, dans l'exercice de leurs pouvoirs, autant de fermeté que de modération. Le conseil supérieur, placé au sommet de la hiérarchie, maintient une puissante unité, et, j'ai le droit de le dire, la liberté d'enseignement, développée d'une manière remarquable, est sans danger, parce qu'elle sera contenue dans de justes limites.
Dans la transition de l'ancien régime universitaire à un régime de liberté, beaucoup de positions honorablement et péniblement acquises se trouvent menacées. Cependant, de modestes fonctionnaires, enlevés à leur carrière par des événements de force majeure, ne doivent pas perdre le prix de leurs services passés. Une proposition vous sera soumise à cet effet, et vous vous associerez, je n'en doute pas, à cette oeuvre de juste réparation.
La création de trois évêchés aux Antilles et dans lîle de la Réunion est maintenant un fait accompli. Les évêques ont pris possession de leurs sièges, et déjà, à la Martinique, à la Réunion, à la Guadeloupe, leur influence salutaire permet d'apprécier le bienfait qui résulterait de l'action d'un clergé plus nombreux. Aussi, quelques dépenses seront-elles indispensables pour la fondation de séminaires-collèges, déjà autorisés en principe par le décret organique des évêchés coloniaux. Vous reconnaîtrez, je le pense, l'utilité d'achever sans trop de retard l'oeuvre si heureusement commencée.
L'Assemblée nationale, en accueillant la demande du ministre des cultes en faveur des édifices diocésains, n'a pas seulement donné une preuve de son intérêt pour la conservation de nos grands monuments, elle a voulu témoigner aussi de sa sollicitude pour les besoins de la religion. Persister dans ces généreuses dispositions, ce sera en outre favoriser l'ouverture de vastes ateliers de construction dans un grand nombre de départements où la situation de la classe ouvrière menace de devenir très-pénible.
Les cultes non catholiques ont eu aussi leur juste part de la sollicitude du Gouvernement.

Guerre

L'effectif général de terre n'était, au 1er octobre dernier, que de 387 519 hommes et 84 306 chevaux. Si les circonstances n'y mettent aucun obstacle, cet effectif rentrera dans les limites budgétaires de 1852, qui le réduisent à 377 130 hommes et 83 435 chevaux.
Aucun nouveau supplément de crédit ne sera nécessaire pour 1851.
Les crédits accordés par le budget de 1851 ont permis d'organiser cette année 231 nouvelles brigades de gendarmerie. La création de 230 autres aura lieu en 1852, et l'accroissement de dépense qui en résultera se trouvera plus que compensé par les réductions opérées sur l'effectif des autres armes.
Divers projets de loi concernant l'organisation des cadres, le recrutement et les pensions à accorder aux sous-officiers et soldats, ont été, depuis longtemps, soumis à l'Assemblée législative. L'armée en attend l'adoption avec une juste impatience. Nous espérons qu'ils ne tarderont pas à être discutés et votés par l'Assemblée.
Vous connaissez l'importance des opérations militaires du printemps dernier dans la pertie orientale de la Kabylie et les succès qui, en quatre-vingt jours de marche, ont couronné la brillante valeur de nos troupes, sous le commandement d'un général que ma confiance a appelé au ministère de la guerre. Les tribus du cercle de Djidjelli soumises, la vallée de l'Oued-Sahel pacifiée, le commerce des huiles alimenté par les Kabyles considérablement accru, tels sont les résultats heureux de cette campagne.
Sur 1145 tribus, dont l'existence a été constatée en Algérie, 1100 ont reconnu la souveraineté de la France, et celles qui s'y dérobent encore sont les plus pauvres et les plus éloignées.
L'armée, après avoir vaincu les Arabes, s'est appliquée à les civiliser en modifiant leurs habitudes sociales. Ainsi, sous l'inspiration de nos officiers, on a vu apparaître à la fois tout ce qui révèle le progrès le mieux constaté : édifices, maisons nombreuses, plantations considérables, cultures nouvelles, barrages et ponts sur les rivières, caravansérails sur les voies de communication ; l'instruction publique organisée, l'art de guérir introduit chez ces populations décimées par les maladies.
Si le fanatisme des passions n'est pas désarmé encore, déjà néanmoins se forme parmi les Arabes un parti sage pour apprécier leurs véritables intérêts et pour seconder nos efforts.
Le vote récent de plusieurs lois importantes, spéciales à l'Algérie, a contribué puissamment à l'oeuvre de la colonisation.
La loi du 16 juin 1851 sur la constitution de la propriété, celle du 11 janvier qui règle le régime commercial, celle du 4 août qui fonde une banque d'escompte, de circulation et de dépôts, enfin le décret du 26 avril, en introduisant des améliorations réclamées par l'expérience, ont facilité des concessions de terre.
En résumé, quoique la situation générale de l'Algérie soit loin d'être alarmante, elle s'est toutefois compliquée sur certains points, tels que la vallée de Sebaou, à cause des tentatives d'insurrection de Bou-Baghla ; la province d'Alger, à cause de l'agitation religieuse ; la frontière du Maroc, à cause de la fermentation des tribus sauvages et guerrières qui l'occupent.

Marine

Renfermée dans les limites d'un budget assez restreint, notre marine n'en a pas moins su protéger nos nationaux sur tous les points du globe.
Plusieurs décrets importants et que rendent nécessaires soit les progrès réalisés depuis vingt-cinq ans dans toutes les parties du service naval, soit des difficultés d'application, soit le besoin de certaines économies, ont réglé successivement :
Le service à bord des bâtiments de la flotte ;
Le solde des officiers et employés de la marine dans les différentes positons qu'ils peuvent occuper ;
Les emménagements des bâtiments de la flotte d'après une règle invariable dans les installations.
D'autres dispositions intérieures ont simplifié les éléments de la comptabilité maritime, et pourvu, mieux encore que par le passé, à la conservation du précieux matériel renfermé dans nos arsenaux. Des travaux considérables se poursuivent avec activité.
La construction des fosses d'immersion dans les ports de Cherbourg, Rochefort et Toulon, pour laquelle l'Assemblée nationale a accordé un crédit spécial de 938 000 francs, s'exécute avec soin ; l'année prochaine pourra voir terminer cet utile travail, depuis longtemps réclamé, et qui mettra un terme aux pertes que nous faisons chaque année sur nos approvisionnements de bois.
Le curage de la rade de Toulon se continue avec succès, et déjà tous les vaisseaux de notre escadre d'évolution sont mouillés là où naguère encore des navires d'un rang inférieur pouvaient à peine se hasarder.
A Cherbourg, au fort Bayard, à Port-Vendres, à Marseille, les travaux se poursuivent également sans relâche.
Mais ces améliorations obtenues au prix de tant d'efforts demeureraient stériles, et nore puissance navale n'occuperait pas dans le monde un rang digne de la France, si, pour toutes les éventualités, elle n'avait les moyens de se recruter d'hommes déjà façonnés au rude métier de la mer. Le plus important, comme on le sait, est l'inscription combinée avec la caisse des invalides de la marine. Tout ce qui tend à rendre plus féconde cette oeuvre de Colbert a été soumis à la méditation sérieuse du conseil de l'amirauté, sous la forme d'un projet de loi. Déjà la dernière loi promulguée sur les primes pour les pêches maritimes promet de nouvelles et fructueuses campagnes.
Un projet sur la police de la pêche côtière, cette première école de nos matelots, a été soumis à l'Assemblée peu de jour avant sa prorogation. Cette loi de police sera un bienfait pour tout le littoral.
La situation de nos colonies est plus satisfaisante que l'année dernière ; elles jouissent toutes d'une complète tranquillité, qui, d'ailleurs, depuis l'émancipation, n'a jamais été sérieusement troublée qu'à la Guadeloupe.
En même temps qu'il s'efforce d'inspirer aux populations nouvellement affranchies la confiance dans la liberté et l'amour du travail qui doit en être la conséquence, le Gouvernement combat et poursuit avec énergie toutes les excitations aux mauvaises doctrines.
La répartition de l'indemnité réglée par un décret du 24 novembre 1849 est maintenant achevée partout. Une loi du 30 juillet 1850 est venue accélérer les avantages de cette mesure, en décidant que les certificats de liquidation délivrés aux ayants droit seraient immédiatement échangés au Trésor contre des coupons de rentes. Les inscriptions aujourd'hui délivrées représentent une masse d'environ 2 millions de rentes, c'est-à-dire le tiers de l'indemnité totale.
Les banques coloniales, organisées par la loi du 11 juillet dernier, pourront bientôt porter les fruits qu'on en attend.
L'administration intérieure des colonies, leur régime législatif et financier réclamaient une organisation nouvelle, en harmonie avec les principes que la Constitution a posés. Un projet de loi préparé à cet effet a été, après l'examen du Conseil d'Etat, présenté à l'Assemblée ; un réglement qui embrasse toutes les parties de l'administration des finances coloniales et de leur comptabilité est déjà préparé et pourra suivre immédiatement le vote de la loi organique.
Deux autres projets de loi, dont l'un sur l'émigration, le régime de la police du travail aux colonies, et l'autre sur l'organisation judiciaire, ont été préparés par l'administration et la commission coloniale.
Enfin, nos établissements de la côte occidentale d'Afrique sont en voie de progrès ; leur situation appelle, dans l'intérêt même de ce progrès, diverses mesures qu'a récemment élaborées et proposées une commission.

Affaires étrangères

Nous devons nous féliciter de l'état de nos relations avec les Puissances étrangères ; de toutes parts nous viennent les assurances du désir qu'elles éprouvent de voir nos difficultés se résoudre pacifiquement. De notre côté, une diplomatie loyale et sincère s'associe à toutes les mesures qui peuvent contribuer à assurer le repos et la paix de l'Europe.
Plus cette paix se prolonge et plus les liens des différents peuples se resserrent. La vaste et libérale idée du prince Albert a contribué à en cimenter l'union. Le peuple anglais a accueilli nos compatriotes avec une noble cordialité, et cette lutte de toutes les industries du monde, au lieu de fomenter les jalousies, n'a fait qu'accroître l'estime réciproque entre les nations.
A Rome, notre situation est toujours la même, et le Saint-Père ne cesse de montrer sa constante sollicitude pour le bonheur de la France et pour le bien-être de nos soldats. Le travail d'organisation du gouvernement romain marche lentement ; un conseil d'Etat est cependant établi, les conseils municipaux et provinciaux s'organisent peu à peu, et serviront à former une consulte destinée à prendre part à l'administration des fianances ; d'importantes réformes législatives se poursuivent. Enfin, on s'occupe avec activité de la création d'une armée qui rendrait possible le retrait des forces étrangères stationnées dans les Etats de l'Eglise.
A Constantinople, la protection des intérêts religieux a exigé, depuis une année, notre active intervention. Il a fallu régler les difficultés élevées, soit dans le sein de la communauté catholique, soit entre les diverses communions chrétiennes ; terminer les contestations les plus graves au sujet du mode d'institution des évêques arméniens ; enfin s'occper d'une transaction qui mette un terme aux déplorables querelles nées trop souvent de la possession des saints lieux. Si chacun est animé de notre esprit de conciliation, ces tristes débats auront cessé pour jamais.
Nos bons rapports avec l'Espagne nous font esperer le règlement définitif et prochain des différeds au sujet de la frontière des Pyrénées.
Nous avons saisi avec empressement l'occasion de donner à l'Espagne une preuve de la sincérité de nos relations, en nous associant à l'Angleterre pour offrir au cabinet de Madrid le concours de nos forces navales, afin de repousser la tentative audacieuse contre l'île de Cuba. De plus, notre ministre à Washington a été chargé d'appuyer amicalement les réclamations de la cour de Madrid, réclamations dont la justice a été loyalement reconnue par le gouvernement fédéral.
La paix est rétablie entre l'Allemagne et le Danemarck ; le Schleswig est rentré sous l'autorité du roi ; l'occupation autrichienne a mis fin dans le Holstein au régime de l'insurrection, et la cause qui avait nécessité l'entrée des troupes étrangères ayant cessé, j'espère que leur séjour ne se prolongera pas. Les résolutions du cabinet de Copenhague pour déterminer la succession au trône et pour assurer l'intégrité de la monarchie ont obtenu l'approbation des Puissances. Des obstacles de détail en retardent seuls la sanction officielle.
L'orage qui menaçait encore, il y a un an, le repos de l'Allemagne s'est dissipé. La Confédération germanique a repris dans son ensemble la forme et le régime antérieurs aux événements de 1848. Elle cherche à se prémunir contre de nouveaux ébranlements par un travail de réorganisation intérieure. Nous devons y demeurer complètement étrangers. Nous avons pu craindre un moment que la diète de Francfort ne fût appelée à délibérer sur une proposition qui modifiait grandement l'essence même de la Confédération allemande, tendait à en reculer les limites, changeant aussi sa destination, son rôle européen, et altérant l'équilibre consacré par les traités généraux. Nous avons cru devoir faire entendre des représentations. L'Angleterre a aussi réclamé. Heureusement la sagesse des gouvernements germaniques n'a pas tardé à écarter cette chance de complication.
La Suisse a éloigné de son territoire la plus grande partie des réfugiés qui abusaient de l'hospitalité. En secondant cette mesure, nous avons rendu service à la Suisse et aux Etats voisins.
Les nouveaux événements survenus sur les rives de la Plata ont grandement modifié la situation respective des Etats engagés dans la lutte. Ils nous obligent à suspendre les arrangements que nous avions préparés pour une pacification.
Le système de l'extradition réciproque des malfaiteurs et celui des communications postales se complètent successivement. Plusieurs conventions soumises à l'Assemblée nationale lui en ont déjà donné la preuve. D'autres lui seront présentées plus tard.
La conclusion des traités de commerce avec la Grande-Bretagne, la Toscane, la Belgique, la Prusse, le Danemark et la Suède atteste la sollicitude du Gouvernement pour le développement de nos relations commerciales et maritimes.
L'Assemblée avait exprimée le voeu que les conventions littéraires conclues avec la Sardaigne et le Portugal pussent être adoptées le plus tôt possible pour les autres Etats.
La Grande-Bretagne et le Hanovre ont déjà signé des traités spéciaux reproduisant les principales clauses des conventions sarde et protugaise. Sur plusieurs autres points et notamment en Espagne, les négociations encore pendantes sont à la veille d'aboutir au résultat désiré.
Les réclamations qu'un grand nombre de négociants et d'amateurs français ont à poursuivre contre le gouvernement des Etats-Unis, à raison de saisies arbitraires par les douanes de Californie, ne sont pas encore liquidées et payées ; mais le congrès américain et le cabinet de Washington en ont formellement reconnu la justice, et nous ne tarderons pas à obtenir une satisfaction légitime.

Résumé

Vous venez d'entendre l'exposé fidèle de la situation du pays. Elle offre pour le passé des résultats satisfaisants ; néanmoins un état de malaise général tend chaque jour à s'accroître. Partout le travail se ralentit, la misère augmente, les intérêts s'effrayent et les espérances antisociales s'exaltent à mesure que les pouvoirs publics affaiblis approchent de leur terme.
Dans un tel état de choses, la première préoccupation du Gouvernement doit être de rechercher les moyens de conjurer les périls et d'assurer les meilleures chances de salut. Déjà, dans mon dernier Message, mes paroles à ce sujet, je m'en souviens avec orgueil, furent favorablement accueillies par l'Assemblée. Je vous disais : "L'incertitude de l'avenir fait naître bien des appréhensions en réveillant bien des espérances. Sachons tous faire à la patrie le sacrifice de ces espérances, et ne nous occupons que de ses intérêts. Si dans cette session vous votez la révision de la Constitution, une Constituante viendra refaire nos lois fondamenrales et régler le sort du Pouvoir exécutif. Si vous ne la votez pas, le peuple en 1852 manifestera solennellement l'expression de sa volonté nouvelle. Mais quelles que puissent être les solutions de l'avenir, entendons-nous afin que ce ne soit jamais la passion, la surprise ou la violence qui décident du sort d'une grande nation."
Aujourd'hui les questions sont les mêmes, et mon devoir n'a pas changé : c'est de maintenir l'ordre inflexiblement, c'est de faire disparaître toute cause d'agitation, afin que les résolutions qui décideront de notre sort soient conçues dans le calme et adoptées sans contestations.
Ces résolutions ne peuvent émaner que d'un acte décisif de la souveraineté nationale, puisqu'elles ont toutes pour base l'election populaire. Eh bien, je me suis demandé s'il fallait, en présence du délire des passions, de la confusion des doctrines, de la division des partis, alors que tout se ligue pour enlever à la morale, à la justice, à l'autorité, leur dernier prestige, s'il fallait, dis-je, laisser ébranlé, incomplet, le seul principe qu'au milieu du chaos général la Providence ait maintenu debout pour nous rallier ? Quand le suffrage universel a relevé l'édifice social pour cela même qu'il substituait un droit à un fait révolutionnaire, est-il sage d'en restreindre plus longtemps la base ? Enfin, je me suis demandé si, lorsque des pouvoirs nouveaux viendront présider aux destinées du pays, ce n'était pas d'avance compromettre leur stabilité que de laisser un prétexte de discuter leur origine et de méconnaître leur légitimité.
Le doute n'était pas possible, et sans vouloir m'écarter un seul instant de la politique d'ordre que j'ai toujours suivie, je me suis vu obligé, bien à regret, de me séparer d'un ministère qui avait toute ma confiance et mon estime, pour en choisir un autre composé également d'hommes honorables connus par leurs sentiments conservateurs, mais qui voulussent admettre la nécessité de rétablir le suffrage universel sur la base la plus large possible.
Il vous sera donc présenté un projet de loi qui restitue au principe toute sa plénitude, en conservant de la loi du 31 mai ce qui dégage le suffrage universel d'éléments impurs et en rend l'application plus morale et plus régulière.
Ce projet n'a donc rien qui puisse blesser cette Assemblée ; car, si je crois utile de lui demander aujourd'hui le retrait de la loi du 31 mai, je n'entends pas renier l'approbation que je donnai alors à l'initiative prise par le ministre qui réclama des chefs de la majorité, dont cette loi était l'oeuvre, l'honneur de la présenter. Je reconnais même les effets salutaires qu'elle a produits. En se rappelant les circonstances dans lesquelles elle fut présentée, on avouera que c'était un acte politique bien plus qu'une loi électorale, une véritable mesure de salut public ; et, toutes les fois que la majorité me proposera des moyens énergiques de sauver le pays, elle peut compter sur mon concours loyal et désintéressé. Mais les mesures de salut public n'ont qu'un temps limité.
La loi du 31 mai, dans son application, a même dépassé le but qu'on pensait atteindre ; personne ne prévoyait la suppression de 3 millions d'électeurs, dont les deux tiers sont habitants paisibles des campagnes. Qu'en est-il résulté ? C'est que cette immense exclusion a servi de prétexte au parti anarchique qui couvre ses détestables desseins de l'apparence d'un droit ravi et à reconquérir. Trop inférieur en nombre pour s'emparer de la société par le vote, il espère, à la faveur de l'émotion générale et au déclin des pouvoirs, faire naître, sur plusieurs points de la France à la fois, des troubles, qui seraient réprimés sans doute, mais qui nous jetteraient dans de nouvelles complications.
Indépendamment de ces périls, la loi du 31 mai, comme loi électorale, présente de graves inconvénients. Je n'ai pas cessé de croire qu'un jour viendrait où il serait de mon devoir d'en proposer l'abrogation. Défectueuse, en effet, lorsqu'elle est appliquée à l'élection d'une assemblée, elle l'est bien davantage lorsqu'il s'agit de la nomination du Président. Car si une résidence de trois ans dans la commune a pu paraître une garantie de discernement imposée aux électeurs pour connaître les hommes qui doivent les représenter, une résidence aussi prolongée ne saurait être nécessaire pour apprécier le candidat destiné à gouverner la France.
Une autre objection grave est celle-ci. La Constitution exige, pour la validité de l'élection du Président par le peuple, 2 millions au moins de suffrages, et s'il ne réunit pas ce nombre, c'est à l'Assemblée qu'est conféré le droit d'élire. La Constituante avait donc décidé que sur 10 millions de votants portés alors sur la liste, il suffisait du cinquième pour valider l'élection. Aujourd'hui le nombre des électeurs se trouvant réduit à 7 millions, en exiger 2, c'est intervertir la proportion, c'est-à-dire demander presque le tiers au lieu du cinquième, et ainsi, dans une certaine éventualité, ôter l'élection au peuple pour la donner à l'Assemblée. C'est donc changer positivement les conditions d'éligibilité du Président de la République.
Enfin, j'appelle votre attention particulière sur une autre raison décisive peut-être. Le rétablissement du suffrage universel sur sa base principale donne une chance de plus d'obtenir la révision de la Constitution. Vous n'avez pas oublié pourquoi, dans la session dernière, les adversaires de cette révision se refusaient à la voter. Ils s'appuyaient sur cet argument qu'ils savaient rendre spécieux : La Constitution, disaient-ils, oeuvre d'une assemblée issue du suffrage universel, ne peut pas être modifiée par une assemblée issue du suffrage restreint. Que ce soit là un motif réel ou un prétexte, il est bon de l'écarter et de pouvoir dire à ceux qui veulent lier le pays à une constitution immuable : Voilà le suffrage universel rétabli ; la majorité de l'Assemblée soutenue par 2 millions de pétitionnaires, par le plus grand nombre des conseils d'arrondissements, par la presque unanimité des conseils généraux, demande la révision du pacte fondamental : avez-vous moins confiance que nous dans l'expression de la volonté populaire ? La question se résume donc ainsi pour tous ceux qui souhaitent le dénoûment pacifique des difficultés du jour.
La loi du 31 mai a ses imperfections ; mais, fût-elle parfaite, ne devrait-on pas également l'abroger si elle doit empêcher la tévision de la Constitution, ce voeu manifeste du pays ?
On objecte, je le sais, que, de ma part, ces propositions sont inspirées par l'intérêt personnel. Ma conduite, depuis trois ans, doit repousser une allégation semblable. Le bien du pays, je le répète, sera toujours le seul mobile de ma conduite. Je crois de mon devoir de proposer tous les moyens de conciliation, et de faire tous mes efforts pour amener une solution pacifique, régulière, légale, qu'elle qu'en puisse être l'issue.
Ainsi donc, Messieurs, la proposition que je vous fais n'est ni une tactique de parti, ni un calcul égoïste, ni une résolution subite ; c'est le résultat de méditations sérieuses et d'une conviction profonde. Je ne prétends pas que cette mesure fasse disparaître toutes les difficultés de la situation ; mais à chaque jour sa tâche. Aujourd'hui, rétablir le suffrage universel, c'est enlever à la guerre civile son drapeau, à l'opposition son dernier argument. Ce sera fournir à la France la possibilité de se donner des institutions qui assurent son repos. Ce sera rendre aux pouvoirs à venir cette force morale qui n'existe qu'autant qu'elle repose sur un principe consacré et sur une autorité incontestable.

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dernière modification : 26 décembre 2019
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