Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
26 septembre 1822

Je suis bien étonnée mon enfant que vous vous plaigniez de mon silence, car je vous ai écrit bien plus souvent que je n'ai reçu de lettres de vous ; mais après les avoir ouvertes peut-être ne les a-t-on pas trouvées assez intéressantes pour vous les envoyer, c'est tout ce que je puis supposer, car les plus fixes scruteurs politiques n'y auraient pu grignoter la moindre interprétation. Je suis accablée de travail, et ceux qui n'ont jamais fait imprimer, ne se font pas une idée de cette fatigue, surtout quand on est une pauvre femme qui n'en a pas l'habitude.
M. Murrey m'a écrit de Spa en me recommandant Mlle Macenzie, elle est venue chez moi, j'étais, ma porte fermée, dans les points et les virgules ; j'ai depuis couru deux fois chez elle sans pouvoir la rencontrer : enfin j'espère être plus heureuse, car je désire avoir beaucoup d'attention pour une personne qui m'arrive au nom de Mons. Murrey. Si vous lui écrivez, dites-lui tout cela. Je ne sais où il est à présent.
Ld William Russell a passé ici retournant en Italie chercher sa femme, il doit être ici au mois de février. M. Farakerly est aussi à Paris, et sa figure est rayonnante de bonheur et de philantropie. Voilà tout ce que j'ai vu de vos connaissances anglaises. J'oubliais le grand M. de Nugent (?) qui se rejette dans les bains d'acide muriatique car il est fort souffrant. Je m'attends à quelque morceau d'éloquence pour me persuader de l'imiter, mais je n'y suis pas disposée.
Le comte de ... est venu ici pour passer les vacances avec ses enfants, c'est un peu selon mon coeur. Il exige du travail, sans doute, mais ensuite il partage tous les plaisirs de cet âge, et il est plus heureux qu'eux de jouer au colin maillard. L'autre jour il m'est arrivé absolument éreinté d'avoir couru à ânes toute la vallée de Montmorency avec ces deux enfants dont il est le confident, l'ami et qui prennent ainsi de l'enfance l'habitude de lui tout dire sans crainte, et de tout espérer de lui.
Papa a été presqu'élu dans sa province pour être député aux Cortès, il n'avait qu'un concurrent, mais comme il n'a pas eu la majorité absolue, on a dû recommencer le ballotage. Nous en ignorons le résultat, il est toujours flatteur d'avoir laissé un si vif souvenir après 20 ans d'absence.
J'attendais avec bien de l'impatience les nouvelles de Marguerite à présent qu'elle peut à tout moment me rendre encore grand'mère. Je l'embrasse de tout mon coeur, ainsi que vous mon cher enfant. Et comme vous le dites, je vous écrirai plus souvent et plus longuement. Aujourd'hui je vous quitte pour me remettre à l'atelier , j'aurais dû dire à mon ratelier.
Adieu encore mon cher Charles, vous ai-je dit que ne pouvant être tranquille dans ma chambre, en attendant que votre appartement soit loué, je viens corriger mes épreuves dans votre cabinet au midi ; là le soleil et le silence m'inspirent également mais j'en dégringolerai bien vite s'il arrive le moindre locataire. J'espère que vous ne blâmerez pas la liberté que j'ai prise, mais dans les vacances Auguste étant plus souvent chez moi, je ne pouvais rien faire. Je vous embrasse encore tous les quatre de tout mon coeur.

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dernière modification : 26 décembre 2019
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