Lettres d'Adélaïde de Souza à Charles de Flahaut, son fils
(CHAN 565 AP 9)
13 mars 1816

Parlons d'affaires d'abord. Le paquet de Mme Senille (?) était resté dans les armoires de la duchesse de Levi qui n'y a jamais pensé depuis. J'ai envoyé chez elle, et après avoir bien cherché dans son souvenir, elle l'a rendu à Isabelle disant : Je ne sais même pas ce dont vous vouliez parler , On me l'a rapporté , et je l'ai donné à M. Hume qui l'a envoyé tout de suite au colonel Granville (c'est un muscadin) Mais enfin dites à Mlle Vernon qu'il en est responsable à présent. Ensuite vient ma robe ; l'ouvrage de mes mains, l'occupation de mon malheur ; le travail qui m'a donné plus de peine, auquel j'attache plus d'importance qu'à un roman aussi long que Clarisse ! Faut-il se persuader qu'elle sera perdue ? J'en suis pénétrée. Je ferai une élégie sur ma robe, sur tant de points inutiles ; enfin, cela me désole.
M. de C. m'a demandé si tu avais été voir M. d'Osmont ? J'attends ton assentiment pour demander le congé, car depuis mon ambassade de l'année dernière, j'ai peur, avec les meilleures intentions, de te fâcher. R éponds-moi tout de suite sur ce point. Ce qui est sûr, c'est que tu en auras un pour un an sans la moindre difficulté et que après cela te laissera maître de faire ce qui te plaira . C'est l'avis de la famille.
Le duc de Feltre a demandé a M. de C... si tu voulais ce congé pour avoir le temps de te marier ? A quoi il a répondu : je l'espère .
M Greffenelle a dit-on, vendu le pavillon au duc de Berri mais l'un et l'autre s'en cachent.
Jean est un véritable voltigeur.
J'ai été seule de mon avis, et j'ai eu raison, tout le monde restera à sa place. Je ne crois à aucun changement dans le ministère.
Le Roi est mieux, ce n'était qu'un léger accès de goutte.
Il y a eu avant-hier une grande chasse au loup. Les chiens de Greffenelle, et tous les Anglais courant après, à leur tête le duc de Wellington ; il en a été si content qu'il doit faire venir ici une meute , ce qui prouve qu'il n'a point l'intention de s'en éloigner.
Les nouvelles les plus absurdes circulent à Paris, je n'y crois pas. Il faut cependant des passeports pour aller se promener dans les environs. Et M. de Vaublanc a écrit une belle lettre aux préfets ; elle se trouve dans le Constitutionnel d'aujourd'hui. Il leur recommande, après toutes les précautions imaginables d'écouter leurs inspirations pour former la Garde Royale. Cette lettre m'a rappelé une comédie de méfiant que M. de Ruthieres avait commencée, dans laquelle il y avait un vers :
Nous ferons un contrat par devant deux notaires. Vous hypothèquerez tous vos biens, vos deux têtes par devant, par contrat et par corps ; après quoi, je me remets du tout à votre bonne foi. Le dernier n'est pas exact, mais voilà la pensée. C'est un souvenir qui date de 1789, il faut de l'indulgence que tu arrangeras .

A demain, mon cher ami, j'ai reçu hier ton petit mot sans date par laquelle tu m'accuses réception de tout ce que je t'ai envoyé et tu m'annonces une lettre par une occasion, je l'attends avec une grande impatience. Combien je relis ces bonnes lettres ! C'est ma seule consolation, mon seul bonheur, enfin c'est ma vie, à demain.

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dernière modification : 26 décembre 2019
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